Les Gobelins, l’école des métiers de l’image.
Nouveau choc, nouveau monde, nouveau combat.
Plus un sourd autour de moi. Le vide intersidéral, bon ok, le terme est un peu fort peut-être, mais il fallait que je me réhabitue.
Entrer à l’école des Gobelins a été une chance pour moi.
C’était la première session des Assistants Réalisateurs en Multimédia.
Il y avait une sélection sur dossier.
Sauf que … j’ai tout de même eu un entretien supplémentaire avec les responsables de cette formation pour pouvoir les convaincre que j’arriverais à suivre leurs cours, je devais m’adapter à l’école, l’école ne s’adapterait pas à moi.
J’ai commencé l’année avec une carte de photocopies que j’avais pu négocier à l’entretien au début de l’année.
Un univers nouveau, des gens que je pouvais admirer
Mes camarades étaient coopératifs pour certains. J’ai pu photocopier certains de leurs cours.
Les professeurs étaient un peu moins indulgents que quand j’étais au lycée. Je m’étais habituée à ce confort … bien mal m’en a pris.
Le professeur se déplaçait le long de la classe, mais aussi parfois en large.
Il n’est pas facile de faire de la lecture labiale sur quelqu’un qui se déplace tout le temps…
Parfois le professeur s’installait derrière un ordinateur, ce qui me cachait sa bouche. Je ne pouvais pas faire de lecture labiale en restant derrière lui, ou sur les côtés puisque toute la classe était rassemblée autour de lui. Le seul moyen que j’avais trouvé, était de faire le tour de la table, et je me plaçais face à lui juste derrière son écran : bonjour la discrétion !
Un truc de fou qu’on imagine difficilement en fait. Je me rappelle encore, c’était des cours de Director et de Lingo (ceux qui connaissent rigoleront) !
J’ai malgré tout été obligée de rappeler (gentiment, ça va de soi !) le professeur à l’ordre à plusieurs reprises durant l’année. Normalement c’est l’inverse, mais là c’était pas possible … pour juste arriver à suivre les cours.
Je garde un excellent souvenir de cette période là, surtout que j’avais proposé comme sujet en fin d’année un cd-rom permettant l’apprentissage de la langue de signes française du type méthode assimil. J’étais même allée voir une association de sourds très célèbre. Mon projet n’a jamais abouti, cela ne les intéressait pas.
J’ai rigolé quelques années plus tard quand j’ai vu le CD-rom finalisé de l’association en question. Ça m’a rappelé quelque chose … Je dis pas que j’aurais fait fortune, mais juste plaisir d’y participer par mon savoir-faire.
Ça aurait été trop drôle moi qui me faisais critiquer de “fausse sourde qui parle le français signé” (j’assume) de faire un cd-rom d’apprentissage de la langue des signes française. Les entendants n’imaginent pas la différence qui est très importante que font les sourds entre le français signé et la Langue des Signes Française (cf épisode 11).
Au moins, j’ai provoqué, je pense une réaction. Et c’est tant mieux.
» je devais m’adapter à l’école, l’école ne s’adapterait à moi » que c’est dommage de lire ça et ça fait bizarre vu d’ici quand je vois toutes les adaptations que nous faisons chaque jour.
Bravo à toi pour ton parcours!
Director, voici un logiciel sorti du passé que j’aimais bien aussi ! 🙂
Je serais curieuse de voir le-dit CD-Rom !
Et encore merci pour tous ces témoignages toujours très instructifs pour les « entendants »…
Je suis en train de suivre un master pro français langue étrangère (FLE) et j’ai proposé, mais pas de sourd oraliste étranger sur Bordeaux, à ma prof de master de faire un cd-rom pour apprendre le français à des étrangers sourds oralistes le français avec l’aide du code et la lecture labiale… Je sais pas si je me fais comprendre :-S, et je ne le ferai plus maintenant. Mais à l’époque ça intéressé la responsable du pôle handicap de la fac mais pour aider les sourds oralistes français à apprendre une langue étrangère.