Assise sur un siège sur le quai du rer. Je dégaine mon téléphone pour écrire ce que je ressens, ce que je vis. Essayer de prendre du recul, c’est pas si facile alors que je le voudrais tellement.
Entendre tous les détails que vous pouvez pas imaginer. Essayer de les identifier. Ce que je fais à chaque fois que je sors de chez moi. Je trouve cet exercice fatiguant à force, surtout qu’il est malgré moi.
Je ne peux pas m’empêcher d’écouter, d’être à l’affût de tout ce qui m’entoure dans ce monde sonore.
Deux arrêts de gare plus tard, j’entends le roulis du train, qui passe sur les rails qui se croisent. Entendre ce vent comprimé entre deux trains qui se croisent, souffler, et la libération du vent qui était bloqué entre deux trains.
Entre chaque annonce, entendre la première annonce d’entrée en gare, et ensuite la seconde qui est la même chose mais la tonalité n’est pas la même.
Pendant ce temps, entendre des adolescents derrière moi, discuter, rire, mais ne pas comprendre un mot. Entendre juste des sons.
Entendre le son du train qui avance « silencieusement » si on peut dire ça comme ça, sans roulis, sans être bousculé par le vent.
Un silence se profile, mais non, un sifflement se produit. Un bourdonnement quand on entre dans une gare fermée. Les sons ne sont plus pareils soudainement.
Entendre le claquement des talons, des semelles de baskets sur les escaliers, avec toujours toutes ces voix en arrière plan.
Lever la tête, essayer de synchroniser le son avec ce que je vois. Entrer dans un tunnel, le son du train devient étouffé et par moment il s’atténue quand il ralentit… toujours avec cette voix qui égrène les gares au fur et à mesure.
Une annonce qui commence, qui apparemment dit qu’il faut faire attention à la marche en descendant du train, mais je ne suis pas sûre, elle était bien courte cette annonce.
À nouveau le roulis du train, le bruit du wagon qui roule dans ce tunnel, bruit qui varie en fonction des commandes du train, s’il avance, ralentit ou freine. Le son n’est pas le même. Avant je n’aurais jamais pensé que c’était possible. Entendre à nouveau les chaussures claquer sur les marches de l’escalier, la dépressuration des portes qui s’ouvrent. Le joint des portes qui couine quand elles se referment.
Entendre des sons de rails maltraités, parfois dans les courbes qui pourraient être des virages, on entend les roues du wagon qui crissent, qui couinent, sous la pression. En ligne droite c’est plus agréable, plus monotone même quand on croise un train sur la voie d’à coté.
Stationner en gare, ça veut dire aussi, qu’il y a un possible problème par ailleurs, attendre, écouter. Le silence est revenu, mon « silence », il n’y a personne qui parle, juste une bouteille qui vient de s’ouvrir, pas de téléphone qui braille, juste le bruit du train. Entendre la sonnerie des fermetures de portes du train, entendre le train arriver sur la voie d’à côté, les gens bougent. Je les entends.
Tous ces détails que j’ai décrits, je les entends, parfois c’est trop pour moi qui passe de la nuit du silence à la lumière du bruit.
Quand je suis fatiguée, les bruits sont exacerbés, et heureusement que j’ai la possibilité de baisser le volume mais ça ne suffit pas toujours…
Tout va recommencer à la prochaine gare… et demain ça recommencera, il faudra sans cesse décrypter les sons, les mouvements, les signes qui me sont envoyés.
Je vous ai décrit 30 minutes sonores de ma vie.
Peut être que vous réaliserez qu’il y a autant de détails, de finesse dans cette écoute que j’ai, que je tente d’apprivoiser depuis le premier jour.
Parfois, j’ai envie de silence, parfois j’aimerais que ça soit intégré, que ça ne soit plus difficile, que ce soit … évident.
Peut être un jour.
Très beau texte, Sophie, qui permet de bien ressentir, de bien entendre même !
Des bisous !
Pas facile ma Sophie ! que tu es courageuse, brillante mais que
tu dois être fatiguée… Tu nous expliques tellement bien, mais que çà doit être si difficile !… je te fais des gros bisous .