Aujourd’hui je suis allée au musée. Ça te surprend ?
Jusqu’à présent, je me disais que je n’étais pas le public cible. C’est vrai que je suis coincée entre deux mondes.
Deux mondes, oui.
Celui qui entend et celui qui n’entend pas. Trop sourde pour ce monde entendant. Trop entendante pour ce monde sourd.
Dans les musées, il y a des guides conférenciers qui font des conférences mais sont souvent remplacés par des audio-guides.
Ces petits machins que tu récupères à l’entrée du musée qui sont géniaux pour toi, mais pas pour moi. J’entends mais je ne comprends pas quand je ne vois pas la personne.
Jamais j’aurais imaginé pouvoir le faire, ou encore oser y aller de peur de ne pas tout comprendre.
On m’a proposé d’aller faire l’exposition d’Edvard Munch en LSF avec Laure, une guide conférencière sourde reconnue par les RMN (Réunion des musées nationaux).
J’ai hésité et je me suis ravisée parce qu’on a qu’une vie. Et qu’est ce que j’y perdais ? À part mon temps si jamais ça ne m’intéressait pas ?
Aujourd’hui j’ai été au musée d’Orsay, voir l’exposition d’Edvard Munch. Oui. Il faut un début à tout.
L’accès à la culture est déjà pas simple mais quand on est sourd, c’est doublement compliqué. J’ai cette chance de pouvoir connaître la LSF c’est vrai.
Le fait d’avoir accès à l’information culturelle synthétisée et complémentaire des contenus écrits, c’est vraiment un plaisir. Les musées pour moi, ça a toujours été le truc pas marrant parce que tu vois des œuvres, tu les comprends pas si tu as pas un audio-guide ou un minimum de documentation. Ça me demandait un effort supplémentaire de faire ça en plus de ma semaine. Ça m’embêtait.
J’ai savouré, j’ai aimé ça.
J’ai appris des choses.
Cet artiste qui a fait de la photo pour faire ses toiles, cet artiste qui s’est pris en auto-portrait, ou selfie pour les nouvelles générations, cet artiste qui a vécu des dépressions, cet artiste qui a été largement inspiré par les artistes de l’impressionnisme, mais aussi de l’existentialisme ou encore du vitalisme.
J’ai appris des choses. Je n’ai pas vu mon week-end passer mais je suis riche de ce que j’ai vu. C’est vrai que ce matin c’était dur de me lever avec ce froid, voir le 3e étage de la Tour Eiffel caché par les nuages mais je ne regrette pas.
Je vous laisse chercher si vous connaissez pas, ou allez-y, vous ne serez pas déçus.
Je finirai sur cette expression d’Edvard Munch : « Qu’est-ce que le temps ? Une seconde entre deux battements de cœur » — Ébauche littéraire, 1907.