Avant même de mettre au monde mon minipixel-qui-est-plus-si-mini, j’ai appréhendé cette nouvelle expérience.
La maternité, en étant sourde, a été particulière.
Particulière parce que personne n’était sensibilisé à la surdité quand j’ai été enceinte. Expliquer à plusieurs reprises au personnel soignant que je n’entends pas. Mon gynécologue était sur une autre planète.
Particulière parce qu’on me demandait s’il serait comme moi. Quelle importance ? C’est mon bébé.
Particulière parce que les cours de préparation à l’accouchement n’étaient pas accessibles, j’ai eu des fous rires incontrôlables parce que je comprenais pas le sens de ce que je faisais que j’en ai été exclue.
Particulière parce que dans une salle d’accouchement, il y a du monde et l’information circule vite à l’oral. Ce n’était marqué nulle part que je n’entends pas. Perturbant quand tu entends ta patiente parler et qui ne te répond pas parce qu’elle ne t’a pas entendue.
Être sourde et mère, c’est une grosse interrogation.
Je me demandais comment je ferais pour l’entendre pleurer la nuit par exemple. Beaucoup me disaient c’est pas grave, tu peux compter sur le papa.
Pour moi, il est question d’égalité vis à vis de notre enfant.
À n’importe quel moment dans notre vie.
Il n’est pas imaginable pour moi de manquer d’informations sur la maternité, j’ai avalé toutes les lectures possibles, parcouru tous les forums, les sites internet de l’époque. Quelle expérience !
J’avais un système adapté qui m’a permis de pouvoir me lever la nuit, de « l’entendre » pleurer comme on dit. Souvent mon instinct de maman était juste. Il m’a suffi de me faire confiance pour que je me réveille quelques minutes avant lui pour me lever. Il m’est arrivé comme tout parent de me lever la nuit pour voir s’il respirait encore.
Quand une lumière s’allumait sur mon système, c’était une source de stress supplémentaire. Je ne pouvais pas savoir s’il était en train de babiller dans son berceau, de pleurer, de discuter avec ses peluches, de tousser. Je n’ai pas eu de bébé qui a fait des bronchiolites, où il est nécessaire d’écouter sa toux et sa respiration si elle était sifflante ou pas. Je n’ai pas eu à m’inquiéter pour mon fils la nuit quand il était bébé.
Je me suis demandé comment j’allais communiquer avec mon bébé. Je connais la langue des signes, je la lui ai apprise. Quand il a eu 1 an et demi, on avait une relation fusionnelle car il s’exprimait en langue des signes. Cela suscitait parfois de la surprise dans notre entourage.
Quand il a commencé à parler, une nouvelle angoisse est arrivée. Et s’il s’adressait plus à son père qu’à moi ? Finalement, notre fils s’est adressé de la même manière à moi qu’à son père. Spontanément, il se mettait devant moi pour me parler distinctement. Il est arrivé que je lui demande d’articuler ou de reformuler mais c’est tout. Tout le monde était comme sa maman et son papa. Il n’a pas fait la différence.
Quand il a fallu rencontrer les enseignants de maternelle et de primaire, j’ai tout de suite parlé de ma surdité. Je n’étais certes pas le parent référent d’urgence au téléphone mais la communication se passait bien quand j’allais le chercher à l’école.
Avec le temps, les choses ont évolué. Il est arrivé que la communication soit compliquée à cause de la crise d’adolescence, mais je crois que tous les parents y sont confrontés d’une manière ou d’une autre.
La frustration que j’ai eue et que j’ai encore est quand je croise des copains et copines de mon fils qui ne savent pas que je suis sourde, je ne sais jamais sur quel pied danser. Je suis sourde et je parle. C’est peut être un peu atypique pour les jeunes qui ne me connaissent pas et qui n’ont jamais rencontré de personnes comme moi.
Aujourd’hui, mon fils oublie que je n’entends pas. Je suis obligée de lui rappeler quand je ne le vois pas et donc je ne l’entends pas. Être sourde et maman, c’est possible.
Les situations ne sont plus les mêmes avec un adolescent de 15 ans, mais on s’adapte continuellement !