Me retrouver complètement déconnectée d’un univers visuel et sonore

Quartier d'Akibara - Prise de vue d'un carrefour routier, avec des facades d'immeubles remplies de panneaux publicitaires écrits en caractères japonais, certains illuminés, d'autres pas. Il y a du monde aux abords de la route entre chaque passage piéton, les gens attendent pour traverser.

Je n’entends pas. Mon quotidien demande un effort permanent pour comprendre ce que j’entends, pour lire sur les lèvres des personnes que je vois en visio-conférence, en présentiel, ou même à travers les masques (pas transparents). Quand je suis vraiment bloquée dans ma communication, ce qui me sauve, c’est l’écrit. 

Une des choses qui m’a surprise voire déroutée en même si je le savais en arrivant au Japon : l’écriture. Je n’étais pas assez préparée en même temps, je n’ai pas cherché à l’être. Je me suis retrouvée comme projetée dans un univers sonore et visuel totalement différent de celui que j’ai au quotidien. Je ne reconnaissais plus aucun son, plus aucun mot hormis ceux qui sont écrits en anglais. Totalement larguée.

Heureusement que notre ami est venu nous chercher parce que je n’ose pas imaginer comment on aurait fait pour aller jusqu’à Tokyo, on aurait certainement réussi, j’en doute pas. Décrypter des choses que tu ne comprends pas, ça demande finalement une énergie assez forte.

Je suis sortie de l’aéroport, j’ai découvert les panneaux routiers qui contiennent eux aussi des caractères que je ne saurais pas identifier, ni les comprendre. Certains sont parfois doublés en anglais dans les lieux touristiques ou bien de rōmaji mais c’est tout. 

Mon cerveau était en mode « je veux tout voir, je veux tout lire, je veux tout comprendre ». C’était le cas pendant les premières heures qui ont suivi mon arrivée à Tokyo. Les panneaux dans l’aéroport, les panneaux sur la route, les facades des magasins, les panneaux publicitaires, les documents d’entrée sur le territoire japonais (doublés en anglais heureusement) et j’en passe… 

J’ai lâché prise quelques heures après. C’était nécessaire pour pouvoir profiter de mes vacances ! Astuce : si tu ne sais pas ou tu arrives difficilement à lâcher prise, le Japon est pour toi. Je n’ai pas trouvé plus radical et pourtant, j’en redemande ! 🙂 

Panneau d'indication de chaque étage en japonais. Il y a 9 étages avec les caractères japonais qui indiquent par exemple l'électroménager, l'informatique, etc… Ils sont entourés de publicités.

L’écriture des hiragana, katakana et kanji, c’est peine perdue pour une personne qui ne maîtrise pas cette langue. Cette langue peut être écrite en verticalement de haut en bas et de droite à gauche ou bien horizontalement de gauche à droite et de haut vers le bas comme la langue française.

Heureusement que la plupart des panneaux sont doublés de rōmaji. C’est l’écriture latine des caractères japonais. C’est un support qui aide un tout petit peu psychologiquement, parce que d’une part on sait qu’on prononce comme c’est écrit (même si on a pas l’accent), parce que certaines personnes ne lisent pas les hiragana, katakana et kanji mais les rōmanji, et enfin les gens comme moi qui sont totalement largués que ca rassure de comprendre quelque chose en lisant. 

Panneaux de menus du macDonalds en japonais. On voit le visuel des hamburgers et des menus écrits en japonais doublés de l'anglais, avec le prix en yen qui va de 670 yens à 750 yens pour le menu. Au premier plan, il y a une caisse électronique avec une inscription en caractères japonais sur un panneau jaune.

En dehors des chiffres romains et des pictogrammes, difficile de comprendre. En 2023, la technologie est là pour nous aider. Il existe des applications qui peuvent traduire en temps réel approximativement. Ca donne parfois des jolies surprises puisque le texte peut être écrit verticalement ou horizontalement. 

Partout où j’ai été, j’ai été incapable de savoir si c’était un magasin de vêtement, un supermarché, une boulangerie, ou un musée. Je n’entends pas, mais là je ne comprenais pas ce que je lisais. Un sentiment étrange j’ai envie de dire, parce que j’ai été obligée de m’en remettre à mon intuition et mon bon sens. Parfois, j’ai eu des choses étranges que je n’ai pas su identifier mais que j’ai bien aimé par expérience. 

Mardi prochain, je te parle du handicap visuel au Japon !

Face au démarchage commercial : non mais allô ?

Téléphone avec un fil qui relie le combiné au terminal. Les chiffres s'obtiennent en les tournant sur l'interface du téléphone. Téléphone du 20e siècle. Il n'a rien de digital.

Dans mon quotidien, il m’arrive de devoir faire face au démarchage commercial. Ça peut être surprenant surtout quand on est sourde comme moi.

À 10h10, mon téléphone sonne. La sonnerie du téléphone se déclenche directement en bluetooth dans mes implants cochléaires. Il m’est impossible d’ignorer l’appel. 

Je prends mon téléphone, je vois un numéro qui commence par un 01 62. Je décroche et j’active la reconnaissance vocale automatisée via RogerVoice, mon application favorite pour le téléphone. Je me dis que je devrais arriver à me débrouiller, ce qui est très souvent le cas. 

Une voix de femme commence à parler. Elle parle assez vite, au point que la reconnaissance vocale automatique suit mais avec difficulté. Elle me dit qu’elle fait partie de telle entreprise et me demande si j’ai utilisé mon chèque cadeau de 200 euros pour l’énergie.

Je réponds que je n’ai pas connaissance du chèque cadeau. Elle commence à me répéter le même texte pendant 2 minutes à peu près, temps durant lequel j’essaie de l’interrompre et d’obtenir des informations complémentaire, pour avoir en résumé : chèque énergie, cadeau, accompagnement, vos informations personnelles et impôts.
Là, ça fait « tilt » dans ma tête.
Je ne suis pas dupe.
J’ai en tête la loi sur le démarchage commercial et le RGPD, ce sont mes premiers réflexes. Surtout mes données personnelles. 

Je l’interromps en lui disant que je suis une personne sourde et que je la comprends grâce à une application RogerVoice qui me retranscrit tout ce qu’elle me dit à l’écrit. 

Elle insiste, je répète que je veux savoir quelle est l’entreprise pour qui elle appelle, elle me donne le nom de l’entreprise. Je réponds que j’ai bien entendu l’information et que comme elle a toutes mes données personnelles, je l’invite à m’envoyer un email puisque je suis une personne sourde et que ça sera plus facile pour la suite de l’échange. 
Réponse négative de sa part parce que ce n’est pas la « procédure ». Ce moment d’échange dure bien 3 minutes environ. 

Je réponds également par la négative en lui disant que je ne suis plus intéressée. Là elle m’interrompt, en me disant, je cite « que vous êtes une grande fille que je peux décider par moi-même ». Je réagis au quart de tour en lui demandant pardon et de me répéter ce qu’elle vient de me dire et là : « enfin, je veux dire que vous êtes une grande personne ».

Je suis hallucinée. Je vais au culot, je lui dis que cette conversation est enregistrée. Et là, tut, tut, tut…
Elle avait raccroché directement. 

Alors c’est vrai, je connaissais pas le numéro. J’aurais pu utiliser les  options suivantes : 

  • ne pas décrocher parce que je ne connais pas le numéro ; 
  • faire la sourde. 

Oui mais non, c’est mal me connaître. Dans ma vie privée, j’ai des besoins qui ne peuvent pas être comblés autrement que par le téléphone et donc oui, je m’adapte. 

Faire la sourde, c’est une idée mais pas la meilleure car j’ai des besoins téléphoniques. C’est pas la solution à tout, ni la meilleure façon de sensibiliser et parler du handicap auditif. Et qu’est-ce que ca va apporter de plus ? La personne ne sera pas sensibilisée, et peut être ne réfléchira pas de son côté à la situation qui est arrivée puisqu’elle n’aura pas les clés en main pour faire autrement.

Avec le recul, je trouve que c’est d’une violence verbale inouïe. Il n’est pas possible de tenir de tels propos au téléphone ! J’ai l’impression d’être revenue au siècle dernier où il n’y avait aucun respect de la personne en situation de handicap.

Le démarchage commercial est aussi un métier à part entière. Je ne peux pas en vouloir à ces personnes qui doivent passer des appels à longueur de journée et qui sont dans les centres d’appel pour pouvoir gagner leur vie elles aussi. 

De jour en jour, je suis de plus en plus convaincue sur le fait qu’il faut à tout prix mettre une sensibilisation au handicap à tous les niveaux de la vie qu’on remette l’humanité au centre.

Une française sourde au pays du soleil levant

Morceau d'hublot d'avion avec un horizon donnant sur un ciel bleu et les nuages blancs

Voilà 10 jours que je suis rentrée du Japon, de Tokyo. Le pays du soleil levant. Il y a tellement à dire que je ne sais pas par où commencer. Je sais que je veux déjà y retourner. (vous êtes prévenus !) 

Quel exercice difficile. Il s’est passé tellement de choses en si peu de temps, que j’ai du mal à commencer et je ne sais pas par où, ni quoi vous raconter. Et en même temps, j’ai envie de garder certaines choses pour moi. 

Choix difficile ce soir, j’ai commencé à écrire mais, peut être un condensé de billets de blog sur plusieurs thématiques. À l’instant T, je ne rêve que de reprendre un billet pour repartir et y séjourner pour écrire tout ce que je voudrais. Peut être que je ferai ça un jour. Une sorte de retraite spirituelle, mentale et physique. Drôle d’idée, je ne sais pas. 

De toute façon, la vie est pleine de surprises. 

J’avais réservé les billets, sur un coup de tête, l’an dernier pendant ma convalescence. En dehors de mon compte en banque, j’ai eu énormément de mal à me projeter sur ce voyage. La dépression et le quotidien avaient pris le dessus.

J’ai commencé à réaliser peut être 24h avant le décollage et encore ! Je savais que j’avais les passeports de ma petite famille, c’était l’essentiel. Le reste n’avait pas trop d’importance à part le fromage pour nos amis ! Je n’ai bouclé ma valise que la veille, si ça peut vous permettre de situer l’état d’esprit dans lequel j’étais. 

Cette fois-ci, j’allais vers une destination où le port du masque est très fréquent. Une destination dont je ne parlais pas la langue : le japonais. À part, bonjour, merci beaucoup et au revoir, je ne sais rien dire d’autre. Ça n’allait pas changer grand chose pour moi puisque je ne comprendrai pas plus qu’en France (quand le masque était obligatoire partout).

Il faut dire que nous avions un vol de 13h et un autre de 3h sans compter le temps d’escale et les formalités d’embarquement / débarquement. J’ai eu le temps de réaliser. Les larmes de joie ont coulé au décollage, j’ai réalisé à ce moment-là mais aussi à l’arrivée, des larmes de joie parce que j’ai rencontré quelqu’un avec qui j’échangeais depuis très longtemps via internet ainsi que sa famille.

Je ne connaissais rien du Japon. Je n’avais vu quelques vidéos sur les réseaux sociaux mais je n’ai pas acheté de guide, ni fait de recherches. Je préfère voyager au fil du temps, découvrir les choses au fur et à mesure. La découverte est d’autant plus riche je trouve. 

J’aime bien partir à l’aventure, sans rien savoir et découvrir les choses sur place. C’est un moyen pour moi de m’immerger directement dans la culture du pays, sans avoir à réfléchir, je fais beaucoup par mimétisme. Je regarde et je fais pareil.

Toyko est une mégalopole peuplée de 37 274 000 d’habitants. Bizarrement, ce n’est pas le sentiment que j’ai eu. Tokyo fait presque la moitié de la population française. 

Je n’ai pas eu un sentiment d’étouffement, de stress. J’ai trouvé que c’était plutôt ordonné, calme, sécurisé et propre. 

Rien n’est comparable. Très construit de ce que j’ai pu voir de la Tokyo Skytree qui offre une vue à 435 mètres (la tour en fait 634 mètres en faisant d’elle la deuxième plus haute structure autoportante du monde)

Évidemment, quand on est tout en haut, il ne faut déjà pas avoir le vertige si on regarde en bas. J’ai eu l’impression d’être une géante qui regarde les fourmis. Les véhicules n’étaient pas plus gros que mon petit doigt, les gens plus petits que je le pensais.

Au programme sur les prochains billets, je vous raconterai le voyage, les découvertes culinaires, le contact avec les personnes, la vision du handicap à Tokyo entre autres.
Si vous avez des questions, des préférences sur les différentes thématiques citées ci-dessus, n’hésitez pas à participer en commentaire ! 

Aie, mon oreille !

Sophie, bébé joufflu à un an dans une robe avec un sourire aux lèvres. Les mains sur un tronc d'arbre pour se tenir en équilibre. La photo est un peu passée en couleurs.

Aujourd’hui, est la journée nationale de l’audition en France – JNA 2023. La thématique est « Petites oreilles, grands risques ». Protégeons l’ouïe de nos enfants !

Quand je lis ça, tout de suite je pense à mon fils. Étant concernée par la surdité, je savais qu’il fallait protéger ses oreilles du mieux que je pouvais. Ce que j’ai fait jusqu’à l’adolescence et là … tout est parti en sucette.

Qui dit ado, qui dit « je fais ce que je veux » (et donc avec ses oreilles aussi !)

Je continue à le sensibiliser à ce sujet ainsi que les personnes qui nous entourent :

  • Tu as un concert, ok, mais tu mets des boules quiès pour atténuer le bruit et protéger ton ouïe. (oui, maman un jour, maman pénible toujours)
  • Tu veux un casque, ok, mais pas n’importe lequel (maman un jour, maman geek au top)
  • Tu as une gêne dans l’oreille, ok, mais direction l’orl pour vérifier que tout va bien (maman un jour, maman poule toujours)

Et quand je répète plusieurs fois ce que je dis, je sais que ce n’est pas un problème d’audition mais un problème d’adolescence sinon ça serait parcours orl, audioprothésiste et orthophoniste !

Je vous invite à en faire autant avec vos enfants, adolescents, proches, n’hésitez pas à consulter un professionnel de l’ouïe. La technologie a tellement bien évolué que ça ne se voit plus ou presque !

N’hésitez pas à consulter la page : Journée de l’audition 2023 sur Mon parcours handicap

Tu m’aimes un peu, beaucoup, à la folie … 

Sophie qui chante avec un brocoli dans la main

De nombreux podcasts ne sont pas accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Je demande régulièrement si tel ou tel podcast est accessible. 

La réponse est souvent invariable : « non ».
Quelle frustration de ne pas pouvoir accéder à ce contenu qui a un pouvoir de diffusion si important de nos jours, 
Quelle frustration de lire « non, ce n’est pas accessible », 
Quelle frustration de lire « non, je n’ai pas les moyens financiers de le faire » 
Quelle frustration de lire « non, je n’ai pas le temps » 
Quelle frustration de lire « non, c’est trop chronophage » 

Vous l’aurez compris, je n’aime pas ces réponses. Elles me renvoient mon handicap en pleine face. Mon handicap fait partie de moi, ce n’est certes pas ce qui me définit en premier, c’est certain et heureusement !

Si je vous disais que c’est une partie de plaisir pour moi de trouver des solutions pour contourner tous ces blocages, je vous mentirais. En fait, ce que j’aime c’est communiquer, partager et apprendre. 

Mon conjoint qui m’aime un peu, beaucoup, à la folie même. Il ne peut pas tout faire à votre place. 

Comme je vous aime un peu, beaucoup et à la folie… J’ai trouvé une application que je trouve bien et que je partage avec vous le retour utilisateur que j’en ai fait. 

Elle est gratuite. Elle existe pour mac (https://goodsnooze.gumroad.com/l/macwhisper) mais aussi en open-source (https://github.com/openai/whisper).

Elle est bluffante dans le sens où elle utilise OpenAI. Il faut télécharger le fichier audio, elle transcrit dans la minute, non, dans la seconde dès qu’elle commence à analyser le contenu audio !

Elle se débrouille bien je trouve à partir du moment où le contenu audio est de bonne qualité. Après, il faut toutefois quand même effectuer une passe, car les acronymes, les noms propres, c’est pas encore ça.

Je sollicite ma suppléance mentale quand je suis toute seule, je répète à voix haute les noms qui sont retranscrits phonétiquement et j’arrive à comprendre à peu près le contenu. Vous allez me dire : « bah c’est bon, pas besoin de faire le taf », oui mais, ça me gâche ce petit plaisir de le découvrir sereinement comme tout le monde.

Donc, si vous m’aimez un peu, beaucoup, à la folie, transcrivez vos podcasts. ❤️

Allez, joyeuse saint-valentin !

4 février, journée mondiale du cancer

Slide projetée à l'écran avec la photo de François à gauche et le logo de l'association à droite (AFG), David Rousseff, ancien président de l'association, ouvre la séance de l'assemblée générale avec en premier plan les membres qui applaudissent en levant les bras et secouant les mains pour dire bravo.

J’ai perdu plusieurs proches d’un cancer.

Il y a quelques années, j’avais dépanné l’association François Giraud sur leur site internet. C’était une façon pour moi de les soutenir même si j’aurais voulu en faire plus et je n’ai pas pu.

C’est une association qui a été créée en hommage à François Giraud, décédé d’un cancer en 2013. François avait médiatisé sa maladie, mais surtout mis en avant la difficulté de la prise en change en tant que patient sourd.

C’est une association qui a pour objectifs de :

  • promouvoir le droit à l’information médicale sur le cancer en langue des signes française (LSF),
  • améliorer l’accessibilité des informations médicales en LSF,
  • sensibiliser à la prise en charge spécifique des patients sourds en cancérologie
  • et enfin, organiser des actions de soutien et d’accompagnement du patient atteint d’un cancer et de ses proches.

J’ai donc été à l’assemblée générale aujourd’hui, j’ai même adhéré pour les soutenir.

Ce soir, je fais ce billet parce que je me rends compte que c’est encore un nouveau sujet qui n’est pas assez connu de tous et toutes. N’hésitez pas à adhérer à cette association pour la soutenir, pour qu’elle puisse encore continuer à faire son travail. Cette association effectue un énorme travail de terrain. Et vraiment, je leur dis bravo pour cette motivation, ténacité à ne pas lâcher les choses.

J’ai été ravie de revoir quelques visages que j’avais perdus de vue.

Encore un sujet à aborder : l’accessibilité des soins, l’accessibilité de l’information médicale par les personnes sourdes est un sujet important, ça commence à ne plus être un tabou mais le chemin reste long. 

Ne m’oubliez pas !

Mes baskets bleues vues de haut avec un anneau où on attache les bateaux

Je veux avancer avec vous, lui, elle, et toi.  

Le numérique est en train de prendre un virage avec le RGPD, l’éco-conception.

De nouveaux sujets apparaissent, de nombreuses personnes s’en emparent, se les approprient.

Aujourd’hui, le RGPD et l’éco-conception ont le vent en poupe. 

Et c’est tant mieux, si on peut respecter la donnée personnelle, essayer de protéger la planète puisqu’il n’y a pas de plan B. 

Savez-vous que je suis tout autant concernée que vous ? 

J’aimerais moi aussi, apprendre, m’informer pour faire ma petite part tout simplement. Comme tout le monde. 

Savez-vous que les outils que vous mettez en place pour respecter le RGPD ne sont pas forcément tous accessibles ? 

Pensez-vous que pour faire de l’éco-conception responsable, il ne faut pas oublier les personnes en situation de handicap ? 

Utilisez-vous que les outils de communication vidéos, audios que vous utilisez pour répandre la bonne parole ne sont pas accessibles ? 

Étonnant ? Surprenant ?  

Savez-vous que l’écrit reste un moyen sûr de communiquer, sans oublier l’accessibilité de ce dernier à un panel beaucoup plus large de personnes, sans oublier le SEO de votre contenu (parce qu’oui, on ne va pas se cacher, le SEO va être amélioré par conséquent forcément)


Dans ce virage numérique, n’oubliez pas l’accessibilité !  

Les personnes aveugles, malvoyantes, n’accèdent pas forcément à votre gestion de cookies pour respecter le RGPD,

Les personnes sourdes et malentendantes n’accèdent pas à vos podcasts, vidéos, webinaires, formations, …
Et … Savez-vous que à cause de ces nouveaux sujets, vous laissez des personnes au bord de la route ?

C’est bête quand même. 

Internet était censé être un lieu universel. Je cite Sir Tim Berners-Lee, fondateur du W3C et inventeur du World Wide Web, l’accessibilité consiste à :

mettre le Web et ses services, à la disposition de tous les individus, quel que soit leur matériel ou logiciel, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, ou leurs aptitudes physiques ou mentales

Sir Tim Berners-Lee

Je constate tous les jours, en 2023, que l’accessibilité n’est pas encore connue des équipes (chef de produit, chef de service, développeur, intégrateur, designer ui-ux, graphiste, auteur, etc.) qui mettent en place des outils numériques. 

Je m’aperçois qu’en 2020, je m’adressais aux développeurs sur ce tweet : « Tout développeur qui est sur les Internets, devrait avoir au moins rencontré une personne handicapée pour éviter de coder comme une bouse et avoir conscience de l’impact de son travail sur les autres. ». Mais en fait, je devrais m’adresser à l’ensemble des personnes qui produisent du numérique. 

Il y a ces nouveaux sujets, le rgpd, l’éco-conception, ne laissez pas l’accessibilité … ne m’oubliez pas !

Si vous voulez qu’on échange sur le sujet, c’est avec plaisir ! 

Comment atteindre le sommet …

Grenouille verte immergée dans une eau recouverte d'herbes aquatiques. On ne la perçoit pas bien, elle est de la même couleur.

J’ai la chance de travailler dans la même équipe que Sélim. Nous avons de nombreux points communs. Un jour, il a partagé ce joli conte d’une grenouille sourde. Ce conte est tout à fait ce que je vais raconter ensuite.

L’histoire de la grenouille qui était sourde

Une bande de grenouilles décida d’organiser une course. L’enjeu était d’être la première à arriver tout en haut d’une très grande tour.

Dès que la nouvelle de la course se répandit dans le village, des tas de grenouilles curieuses se rassemblèrent pour voir et soutenir les concurrentes.

Pleines de courage et de motivation, les candidates se placèrent sur la ligne de départ et commencèrent à grimper.

Mais très vite, les villageoises se mirent à faire des commentaires désobligeants : “Elles n’y arriveront jamais !”, “Elles sont bien trop lentes !”

Au bout de quelques minutes, certaines grimpeuses se sentirent démotivées et quittèrent la course. D’autres succombèrent à la fatigue et préférèrent s’asseoir pour regarder celles qui continuaient.

Les commentaires des villageoises reprirent de plus belle : “Pour qui se prennent-elles, si c’était possible, nous l’aurions déjà fait !” dirent certaines. “On n’a jamais vu pareille sottise, les grenouilles ne sont pas faites pour grimper !” dirent d’autres.

Les petites concurrentes malgré leur courage, commencèrent à mesurer les difficultés de leur projet. Elles quittèrent la course l’une après l’autre.

Toutes. Sauf une.

Elle grimpait lentement, sans relâche, tandis qu’autour d’elle les commentaires se faisaient de plus en plus insistants : « Descends, tu n’y arriveras jamais ! ». « Ce que tu es ridicule ! ».

Pourtant, inlassablement, la petite grenouille continua à avancer.

Après un énorme effort, elle finit par gagner le sommet. Toutes se précipitèrent autour d’elle pour savoir comment elle avait fait pour réaliser ce que personne au monde n’avait encore jamais fait. L’une d’entre elles s’approcha pour lui demander sa recette.

C’est alors qu’elle découvrit que la petite championne était sourde…         

 Auteur inconnu

Depuis deux mois, je prends soin de moi, j’essaie de faire attention à mes limites. J’ai modifié mon quotidien de façon ça pouvoir sortir vraiment de mon épisode dépressif. Sourire, faire comme si tout allait bien, c’est facile à faire.

Ce qui est moins facile, c’est de ne pas écouter cette petite voix négative qui est au fond de moi. Depuis quelques temps, je prends à nouveau du plaisir à faire des choses créatives, l’écriture en fait partie, sans oublier les loisirs du fil (tricot, couture, etc).

J’apprends à m’écouter, à me faire confiance, ne plus tenir compte de l’avis des autres. Sortir de sa zone de confort est aussi un moyen d’accomplir ses souhaits et ses rêves. Je crois que personne n’aime ça même si certaines personnes ont plus de facilités que d’autres à le faire. Chaque action que je fais, je me rends compte que finalement c’était pas si terrible que ça ! J’y travaille, petit pas par petit pas.

Petite anecdote : les grenouilles font aussi partie de mon enfance que je passais tous les étés dans les marais vendéens. Nous les pêchions avec mon cousin pour les regarder de plus près pour les relâcher ensuite. Ce coassement que j’ai pu entendre avec mes appareils, je n’ai pas eu la chance de pouvoir entendre avec mes implants cochléaires car elles se sont raréfiées depuis.

Morale de l’histoire : écoutons-nous et soyons sourds aux propos négatifs et destructeurs !

En visio : grand moment de solitude

Texte blanc sur fond noir : "Is it the same or not? If we decide not to go on talking"

J’ouvre mes mails, je vois une invitation à une réunion en visio de dernière minute. Mon cerveau se met à tourner à 200 à l’heure. Que fais-je ? J’y vais, j’y vais pas, je prends une aide technique, je prends tel outil pour m’aider, j’y vais comme ça, est-ce que j’appelle mon correspondant ? 1000 questions dans la tête en une fraction de seconde.

C’est la vie d’une personne sourde qui peut potentiellement assister à une visio.

Je décide malgré tout d’y aller comme ça, sans aide technique en me disant que j’allais compter sur le sous-titrage de ce logiciel qui supporte la réunion. Teams. Teams, l’outil de réunion en ligne de Microsoft. Très bien. On pourrait penser que tout est parfait.

Je me connecte, plein d’interlocuteurs et interlocutrices représentées par leurs initiales. Aucune caméra activée. Premier moment de solitude. Mon désarroi ne se voit pas puisque j’ai coupé aussi ma caméra, inutile de me faire remarquer dans ces moments-là.

Je branche mes implants cochléaires sur mon micro qui va me permettre de les entendre. J’entends, je saisis quelques bribes, mais mon cerveau me dit : « Attends Sophie, ta charge cognitive elle augmente dangereusement là, fais attention ! »

Je décide d’activer les sous-titres de Teams, pour voir ce que ca va donner, avec un petit espoir au fond de moi qui espère pouvoir quand même suivre cette réunion.

Nouveau grand moment de solitude : les sous-titres sont en anglais. Oui. Les interlocuteurs parlent en français, mais le logiciel s’il n’est pas paramétré, il est par défaut sur la version anglaise. Et donc … Impossible de comprendre !

Une reconnaissance vocale programmée sur de l’anglais qui tente de comprendre du français, ca donne du charabia. Et ça, personne n’y pense.

Chers interlocuteurs, interlocutrices, si vous vous exprimez en français sur vos visios, pensez à paramétrer dans les paramètres de langage, la langue par défaut : le français.

Oui, j’aurais pu utiliser mon aide technique qui m’accompagne tous les jours, mais j’étais un peu bloquée matériellement, et oui, j’aurais pu utiliser la dictée d’un autre logiciel mais ca implique de laisser mon micro d’ordinateur en haut-parleur alors que j’ai besoin d’avoir le son directement dans mes oreilles.

En espérant ne plus avoir ces moments de solitude si désagréables…

Moment suspendu

Vue de Pralognan de nuit après une heure de marche en raquettes à la nuit tombée

Je viens de sortir de chez moi. Il est 7h35, je suis contente, j’ai tenu ma décision ce matin. Hier, je n’avais pas réussi, l’inertie s’était emparée de mon corps, la seule chose qui marchait étaient les larmes. C’était un jour profondément sans. Parfois, reculer pour mieux sauter, ça marche.

Dehors il fait nuit noire.

On dirait que les mers qui étaient déchaînées et noires hier se sont calmées.

Je marche vers la gare, je lève la tête, je vois le croissant de lune. Il brille de mille feux comme si on avait pointé l’éclairage sur lui.

Blanche comme neige dans cette nuit noire.

Je continue à marcher, le goût du café fraîchement avalé dans la bouche. Le nez qui commence à être engourdi par le froid. Quelques picotements apparaissent. Je renifle, je me moucherai à la gare. En attendant je marche, la tête dans mes pensées, enregistrer tout ce que je vois, ce que j’entends et sens.

J’entends quelques oiseaux pépier, ça y est, ils se réveillent alors que le soleil n’est pas encore levé. Ils me surprennent. Les pépiements, c’est vraiment quelque chose que je n’aurais jamais imaginé entendre et surtout, je pensais que c’était par période et non pas tout le temps. C’est je crois une de mes plus belles victoires depuis mes implants cochléaires.

Je continue à marcher, mes baskets claquent quand je marche, la rue est droite, dépeuplée des enfants qui y passent aux heures de pointe. Les voitures brillent. On dirait qu’une fée paillette est passée cette nuit. Non, c’est tout simplement le givre qui se révèle sous les lampadaires. J’aime croire que ces voitures ont des paillettes… ça rend les choses plus poétiques.

J’avance, le silence est présent dans la rue à part les pépiements d’oiseaux. Je vois le bus au bout de la rue qui passe et j’entends son moteur vombrir. C’est fou comment on peut entendre plein de détails… dans ces moments calmes.

J’arrive au bout de la rue, je regarde le sol pour ne pas tomber, j’entends un roulis de train qui passe sur le pont pas très loin de là où je suis… le rer vient de partir de la gare. Les lumières du train clignotent dans la noirceur de la nuit. Elles éclairent les alentours par leur puissance dans la nuit. C’est n’est pas grave, j’aurai le prochain. Je suis à l’heure.

J’entre dans la gare. Elle est éclairée. Tout est calme. On n’entend que le bruit métallique du tourniquet qui tourne à chaque passage.

Je monte sur le quai. Je me mouche. Je mets mon masque ffp2. Je suis prête. Le train peut arriver.

Bonne journée !