Viens écouter à travers mes oreilles !

Sophie, bébé joufflu à un an dans une robe avec un sourire aux lèvres. Les mains sur un tronc d'arbre pour se tenir en équilibre. La photo est un peu passée en couleurs.

Avec mes implants cochléaires, je redécouvre le son différemment et je suis avide de découvertes ! 

Récemment, la question suivante m’a été posée : tu entendais comment avant ? 
J’avoue, je m’en rappelle plus même si ça ne fait que 6 ans que je suis bi-implantée.
Je ne peux que m’en rappeler si je relis mes écrits, je vois une évolution dans mes récits. 

Je m’étonne moi-même. 

C’est vrai que les premiers sons que j’ai entendus étaient sous forme électronique, mais ce moment-là s’est effacé petit à petit que j’ai avancé dans mon expérience de l’implant cochléaire. 

Avant, le bruissement des feuilles sous le vent je ne pouvais pas les entendre. Aujourd’hui, c’est un son qui m’est doux à écouter. 
J’en suis presque nostalgique parce que je me rends compte que mon audition a beaucoup évolué. 

Au début quand j’ai eu mes implants, les premiers sons étaient perturbants. Cela ne ressemblait absolument pas à ce que j’avais pu entendre avec mes appareils auditifs. J’ai dû réapprendre à entendre et à comprendre. 

J’ai dû me ré-approprier tous ces sons. Je me rappellerai toujours la première séance chez l’orthophoniste. Elle a duré une heure. Je remercie intérieurement cette orthophoniste d’avoir pris le temps de cette première heure. Ça ne faisait que 15 jours que je les avais. La première séance a consisté à identifier des bruits qui se passaient dans mon dos. 
C’est un peu violent quand on a toujours identifié visuellement. Le but était quand même de voir s’il y avait une amélioration ou la provoquer si je peux dire. Les premiers bruits en séance furent le tintement des clés, le froissement du papier, les pas de l’orthophoniste, l’applaudissement, et l’eau.
J’ai appris à identifier, à force de répétition, deux fois par semaine, pendant 6 mois dans un premier temps…

Le cerveau est un organe merveilleux quand on est motivés à le faire travailler. 

Aujourd’hui, je dirais que les sons que j’avais avec les appareils, je les ai aujourd’hui mais beaucoup plus nets, plus précis. 
Pourquoi ? parce que j’ai récupéré des fréquences dans les aigus que je n’avais pas avec les appareils. Ces fréquences aigües font la différence dans ce qu’on entend, elles sont là pour affiner le son, le rendre plus précis et perceptibles.

S’il y a des orthophonistes dans la salle, je prends les infos ! Vrai ou faux ? 

Aujourd’hui, je peux tout à fait entendre le bruit des griffes de chat sur le parquet. Je trouve ça rigolo. 
Il m’arrive parfois d’entendre via Facetime, un proche qui part chercher quelque chose et qui revient. J’entends ses pas sur le parquet. 
C’est perturbant de savoir que j’entends ça, ou plutôt que je peux l’entendre. 

Beaucoup sont surpris quand je leur dis : même se frotter les mains ça fait du bruit. 

C’est surtout ça qui m’a surprise après mon opération, c’est cette richesse de sons présente partout et tout le temps. 🙂

Jour 16 – La photo n’a rien à voir avec le billet, quoique si un peu quand même. J’ai un an sur cette photo. Je l’adore en fait, j’ai une patate d’enfer et on me reconnaît aisément je trouve.

Je ris aussi aux blagues à deux balles !  

Sophie cachée par des balles en plastique blanches

– « Attends »
– « Non, c’est pas la peine que je te raconte »
– « C’est une blague à 2 balles »
– « Pas maintenant, plus tard »

La période des fêtes arrive. 
Je ne l’aime pas pour la simple raison, je sais d’avance que je ne vais pas tout comprendre. Quel que soit l’entourage, il y aura toujours un moment de flottement. J’aimerais parfois l’éviter pour m’éviter de la souffrance ou de la frustration, pour ne garder que les meilleurs moments. Je sais qu’en évitant ces moments, je m’exclus toute seule et ça serait dommage. 

Continuer la lecture de « Je ris aussi aux blagues à deux balles !   »

Être sourde et mère

enfant accroché à un élastique qui saute en l'air

Avant même de mettre au monde mon minipixel-qui-est-plus-si-mini, j’ai appréhendé cette nouvelle expérience.

La maternité, en étant sourde, a été particulière. 

Particulière parce que personne n’était sensibilisé à la surdité quand j’ai été enceinte. Expliquer à plusieurs reprises au personnel soignant que je n’entends pas. Mon gynécologue était sur une autre planète.

Particulière parce qu’on me demandait s’il serait comme moi. Quelle importance ? C’est mon bébé.

Particulière parce que les cours de préparation à l’accouchement n’étaient pas accessibles, j’ai eu des fous rires incontrôlables parce que je comprenais pas le sens de ce que je faisais que j’en ai été exclue.

Particulière parce que dans une salle d’accouchement, il y a du monde et l’information circule vite à l’oral. Ce n’était marqué nulle part que je n’entends pas. Perturbant quand tu entends ta patiente parler et qui ne te répond pas parce qu’elle ne t’a pas entendue.

Être sourde et mère, c’est une grosse interrogation.

Je me demandais comment je ferais pour l’entendre pleurer la nuit par exemple. Beaucoup me disaient c’est pas grave, tu peux compter sur le papa. 

Pour moi, il est question d’égalité vis à vis de notre enfant. 
À n’importe quel moment dans notre vie. 

Il n’est pas imaginable pour moi de manquer d’informations sur la maternité, j’ai avalé toutes les lectures possibles, parcouru tous les forums, les sites internet de l’époque. Quelle expérience ! 

J’avais un système adapté qui m’a permis de pouvoir me lever la nuit, de « l’entendre » pleurer comme on dit. Souvent mon instinct de maman était juste. Il m’a suffi de me faire confiance pour que je me réveille quelques minutes avant lui pour me lever. Il m’est arrivé comme tout parent de me lever la nuit pour voir s’il respirait encore. 

Quand une lumière s’allumait sur mon système, c’était une source de stress supplémentaire. Je ne pouvais pas savoir s’il était en train de babiller dans son berceau, de pleurer, de discuter avec ses peluches, de tousser. Je n’ai pas eu de bébé qui a fait des bronchiolites, où il est nécessaire d’écouter sa toux et sa respiration si elle était sifflante ou pas. Je n’ai pas eu à m’inquiéter pour mon fils la nuit quand il était bébé. 

Je me suis demandé comment j’allais communiquer avec mon bébé. Je connais la langue des signes, je la lui ai apprise. Quand il a eu 1 an et demi, on avait une relation fusionnelle car il s’exprimait en langue des signes. Cela suscitait parfois de la surprise dans notre entourage.

Quand il a commencé à parler, une nouvelle angoisse est arrivée. Et s’il s’adressait plus à son père qu’à moi ? Finalement, notre fils s’est adressé de la même manière à moi qu’à son père. Spontanément, il se mettait devant moi pour me parler distinctement. Il est arrivé que je lui demande d’articuler ou de reformuler mais c’est tout. Tout le monde était comme sa maman et son papa. Il n’a pas fait la différence.

Quand il a fallu rencontrer les enseignants de maternelle et de primaire, j’ai tout de suite parlé de ma surdité. Je n’étais certes pas le parent référent d’urgence au téléphone mais la communication se passait bien quand j’allais le chercher à l’école. 

Avec le temps, les choses ont évolué. Il est arrivé que la communication soit compliquée à cause de la crise d’adolescence, mais je crois que tous les parents y sont confrontés d’une manière ou d’une autre.

La frustration que j’ai eue et que j’ai encore est quand je croise des copains et copines de mon fils qui ne savent pas que je suis sourde, je ne sais jamais sur quel pied danser. Je suis sourde et je parle. C’est peut être un peu atypique pour les jeunes qui ne me connaissent pas et qui n’ont jamais rencontré de personnes comme moi.

Aujourd’hui, mon fils oublie que je n’entends pas. Je suis obligée de lui rappeler quand je ne le vois pas et donc je ne l’entends pas. Être sourde et maman, c’est possible.

Les situations ne sont plus les mêmes avec un adolescent de 15 ans, mais on s’adapte continuellement !

La suppléance mentale

Affiche sur laquelle la moitié des lettre est cachée et lisible difficilement du premier coup. Le texte suivant est "à l'école un enfant malentendant ne devrait jamais ressentir ce que vous ressentez en ce moment en lisant ces lignes". Affiche de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris

C’est quoi la suppléance mentale ?

J’en parle souvent dans mes billets. C’est quelque chose que je fais quotidiennement.

C’est un effort intellectuel que je fais en permanence pour :

  • me concentrer pour pouvoir lire sur tes lèvres
  • me concentrer pour entendre quand je suis dans un lieu bruyant ou face à une personne masquée

Il m’arrive de ne pas entendre tous les sons qui composent la phrase, ou ne pas comprendre tous les mots. Comme si je faisais une dictée à trous toute la journée. Imaginez la fatigue que ça génère, de devoir compléter tous ces trous en permanence, tout le temps.

Si je pouvais penser à une situation dans laquelle vous pourriez être confronté à cette suppléance mentale, c’est pendant les réunions ou vous avez le son qui est très mauvais ou le son est coupé de temps à autre ne vous permettant pas de comprendre l’intégralité de la conversation durant 1 heure.

De temps en temps, c’est facile pour moi parce que je suis dans un environnement sonore calme. J’ai des personnes qui m’ont bien cernée et qui m’aident quand elles voient que je n’ai pas compris. C’est rare mais ça arrive et heureusement !

Dans une cantine par exemple, j’ai souvent la moitié des phrases qui m’échappent. Parce que d’une part, c’est un lieu bruyant, les gens mangent et parlent parfois la bouche pleine. Le son est beaucoup moins audible.

C’est un moment de repos pour les autres et d’échange, je ne force pas plus. Pourquoi un moment de repos pour les autres ? Parce que pour moi être dans le bruit ce n’est pas reposant. Je me dis tant pis, ça n’est pas bien grave même si au fond de moi ça génère de la frustration.

Dans une réunion, ça va être plus compliqué. Je vais devoir être concentrée deux fois plus car les écrans sont pas optimaux, les gens se coupent la parole.

Dans un échange à deux, tout va bien. 🙂

Quand j’arrive à compléter ma phrase à trous, je ne comprends pas forcément tout de suite. J’ai un temps de retard. C’est pourquoi parfois je dis : « ah oui ! » cinq minutes après. Il y a de quoi avoir l’air bête mais c’est comme ça.

Je parle souvent de dictée à trous parce que c’est visuel comme image. Ca marche aussi avec les mots qui n’ont qu’une lettre qui change. Je vais faire simple. En lecture labiale, les mots « main », « bain », « pain » sont quasiment pareils. Si on n’a pas le son, on ne peut pas les différencier sur les lèvres. C’est une autre compétence. Seul le contexte et la phrase dans lequel sera le mot donnera tout le sens au mot que je ne peux pas différencier en lecture labiale.

La suppléance mentale, c’est aussi chasser les mauvais mots qui me permettent de communiquer correctement. Mon environnement, le contexte de ce que je vois et entends fait toute la différence mais ne fait pas tout.

Jour 13

Être sourde et consultante en accessibilité numérique

J'ai la tête penchée et appuyée sur sa main

Mon parcours professionnel a fait que je me suis orientée vers le domaine de l’accessibilité numérique alors que j’étais au départ destinée à faire du multimédia sur des CD-ROM, support qui a presque disparu aujourd’hui.

L’accessibilité numérique est un sujet qui passionne, qui peut parfois fâcher, qui demande de l’énergie, qui demande à être toujours au fait des nouvelles technologies, qui demande aussi de la diplomatie, qui demande de la pédagogie et de la patience sans oublier l’empathie et la bienveillance. 

Aujourd’hui, je réalise des audits d’accessibilité numérique pour accompagner les équipes qui l’ont demandé, pour la mise en conformité d’un site, etc…. Je fais de la sensibilisation parfois. II m’arrive d’écrire des documentations. C’est important pour moi de pouvoir transmettre avec pédagogie pour que les erreurs ne soient pas reproduites ensuite. Mais ce n’est pas toujours évident.

Être sourde et faire des formations qui ne sont pas forcément adaptées à soi, c’est aussi un parcours du combattant que beaucoup peuvent oublier. Les formations que j’ai faites jusqu’à aujourd’hui, de tout mon parcours professionnel, n’étaient pas accessibles y compris les Gobelins.

Je tiens toutefois à remercier tous ceux qui m’ont partagé leur savoir, qui m’ont accompagnée jusqu’au bout, pour leurs efforts et leur disponibilité quand il était nécessaire de m’expliquer certaines choses que je n’avais pas comprises.

Une seule l’a été parce que j’avais demandé aux RH de faire le nécessaire. Il était impensable que je ne sois pas accompagnée à ce moment-là. Ce scribe (si tu me lis, merci infiniment !) qui prenait les notes à ma place, il m’a sauvée. Oui, c’est mission impossible pour moi de prendre des notes et être complètement concentrée sur la formation ou les échanges verbaux qui avaient lieu.

On croit toujours que la personne que je suis, n’a pas de difficultés à suivre une formation lambda. C’est une erreur ! La surdité, c’est un handicap qui touche à la communication, à la maitrise de la langue française. (j’ai simplifié attention !)
Beaucoup d’énergie pour arriver à comprendre les contenus, les interpréter correctement, les assimiler malgré la fatigue et la suppléance mentale. 

J’en tire une certaine fierté aujourd’hui parce qu’elle me permet d’exercer le travail que je fais et que j’aime. 

J’apprends aujourd’hui à accepter que je ne peux pas être parfaite, que je peux me tromper, que je ne sais pas tout. La crainte que j’ai au fond de moi, fait que je reste encore très prudente.
D’ailleurs, consultante ou experte, c’est une question que je n’ai pas résolue au fond de moi-même. Je sais que j’ai cette compétence, pas celle du développeur car je l’ai toujours dit.

J’ai ce petit plus qui me permet parfois d’avoir un regard différent parce que je suis sourde.
C’est pour ça que je n’ai pas encore écrit sur ce sujet, foutu syndrome de l’imposteur.
Je sais, c’est bête. Je ne devrais pas. Maintenant, vous le savez.

Je vais finir par me lancer, mais il faut du temps. 😀

Quand vous préparez des formations et que vous les proposez à votre public, pensez à les rendre accessible ! Envisagez la possibilité de pouvoir accompagner la personne en situation de handicap pour qu’elle puisse être tout aussi compétente que n’importe qui. 

Edvard Munch ou ma première conférence en LSF

Laure Bailleul en train d'expliquer le tableau "Le cri" d'Edvard Munch". On la voit approcher ses mains sur son visage pour exprimer un cri d'effroi

Aujourd’hui je suis allée au musée. Ça te surprend ?

Jusqu’à présent, je me disais que je n’étais pas le public cible. C’est vrai que je suis coincée entre deux mondes.

Deux mondes, oui.

Celui qui entend et celui qui n’entend pas. Trop sourde pour ce monde entendant. Trop entendante pour ce monde sourd.

Dans les musées, il y a des guides conférenciers qui font des conférences mais sont souvent remplacés par des audio-guides.

Ces petits machins que tu récupères à l’entrée du musée qui sont géniaux pour toi, mais pas pour moi. J’entends mais je ne comprends pas quand je ne vois pas la personne.

Jamais j’aurais imaginé pouvoir le faire, ou encore oser y aller de peur de ne pas tout comprendre.

On m’a proposé d’aller faire l’exposition d’Edvard Munch en LSF avec Laure, une guide conférencière sourde reconnue par les RMN (Réunion des musées nationaux).

J’ai hésité et je me suis ravisée parce qu’on a qu’une vie. Et qu’est ce que j’y perdais ? À part mon temps si jamais ça ne m’intéressait pas ?

Aujourd’hui j’ai été au musée d’Orsay, voir l’exposition d’Edvard Munch. Oui. Il faut un début à tout.

L’accès à la culture est déjà pas simple mais quand on est sourd, c’est doublement compliqué. J’ai cette chance de pouvoir connaître la LSF c’est vrai.

Le fait d’avoir accès à l’information culturelle synthétisée et complémentaire des contenus écrits, c’est vraiment un plaisir. Les musées pour moi, ça a toujours été le truc pas marrant parce que tu vois des œuvres, tu les comprends pas si tu as pas un audio-guide ou un minimum de documentation. Ça me demandait un effort supplémentaire de faire ça en plus de ma semaine. Ça m’embêtait.

J’ai savouré, j’ai aimé ça.

J’ai appris des choses.

Cet artiste qui a fait de la photo pour faire ses toiles, cet artiste qui s’est pris en auto-portrait, ou selfie pour les nouvelles générations, cet artiste qui a vécu des dépressions, cet artiste qui a été largement inspiré par les artistes de l’impressionnisme, mais aussi de l’existentialisme ou encore du vitalisme.

J’ai appris des choses. Je n’ai pas vu mon week-end passer mais je suis riche de ce que j’ai vu. C’est vrai que ce matin c’était dur de me lever avec ce froid, voir le 3e étage de la Tour Eiffel caché par les nuages mais je ne regrette pas.

Je vous laisse chercher si vous connaissez pas, ou allez-y, vous ne serez pas déçus.

Je finirai sur cette expression d’Edvard Munch : « Qu’est-ce que le temps ? Une seconde entre deux battements de cœur » — Ébauche littéraire, 1907.

Ma bulle de silence

Sophie en combinaison de plongée dans l'eau les bras écartés

Ça vous intrigue ? J’écris ce billet sans implants cochléaires. La semaine est passée trop vite. J’ai repris le travail après une convalescence de 3 mois.
Hier soir, j’étais lessivée mais heureuse d’avoir tenu la semaine.

12 h de sommeil et de silence furent nécessaires. Ce matin, j’étais bien reposée. 

Quand le soleil s’est couché ce soir, j’ai plus eu envie d’être entourée de tous ces sons. J’avais envie d’aller dans ma bulle de silence.

Silence total.

Entendre le bruissement de mes vêtements,
Entendre le bruit de la machine à café,
Entendre le bruit de la gaufrette qui craque sous mes dents,
Entendre le bruit de mes pas sur le sol,
Entendre les bruits métalliques des caddies au supermarché,
Entendre le bruit du craquement du pain frais tout chaud…
J’en avais marre tout simplement.

Enlever mes implants cochléaires, c’est quelque chose que je m’autorise que depuis 2017, soit un an après mon opération. J’ai toujours porté mes appareils auditifs du réveil au coucher depuis ma naissance.

En 2017, j’avais écrit un billet en disant que non, je ne dirai pas Game over. Parce qu’à l’époque, il y avait un risque de ne pas arriver à les remettre. Pourquoi ? Le son est beaucoup plus fort qu’avec des appareils auditifs. Le son est plus direct, plus net, plus précis et il y a beaucoup plus de fréquences sonores.

Et quand on a des implants, les premières années, c’est tout juste que la première heure est super dure à supporter en terme de sons. Cette heure a diminué avec le temps, mais aujourd’hui, quand je mets mes implants le matin, il faut pas parler trop fort, pas claquer les portes, pas … plein de choses en fait sinon ça risque de me gâcher la journée et mon humeur accessoirement même si j’ai pris mon café du matin.

Ma bulle de silence, c’est simple. J’entends rien, mais vraiment rien. Je préviens toujours mon mari que je n’ai pas mes implants. Il sait qu’il devra changer de comportement. Inutile de m’appeler dans l’appartement, je ne l’entendrai pas.

Pas comme si vous étiez sous l’eau, non, je crois que même sous l’eau on entend le roulis de l’eau en écho. Est-ce que ca ressemble à une personne qui a un casque anti-bruit ? Je ne suis pas certaine car il doit y avoir des sons qui passent malgré tout.
Moi je n’entends rien sans mes implants.

Il peut y avoir un bruit signifiant chez moi, je ne suis là pour personne. Plus rien ne m’atteint. Même pas le son.

C’est même assez marrant je trouve.

Quand je regarde ce qui m’entoure, j’entends des sons dans ma tête. Je sais que je n’ai pas mes implants, mais j’ai le ressenti du son.
Par exemple, ma chatte vient de passer à côté de moi, je sais qu’elle a une chance de miauler et donc par ricochet je vais avoir ce son dans la tête.

Mon mari vient de m’appeler, il s’est fait prendre lui aussi au jeu. Il se rend compte que je ne réponds pas et que oui, je n’ai pas mes implants.

Le bruit : c’est ma kryptonite,

Ma bulle de silence : c’est mon puits d’énergie.

Oups, je suis sourde et j’ai une visio

Minitel Dialogue

Depuis 2020, les réunions en visio ont explosé. Je n’ai ps de chiffres exacts, mais le ressenti est là.

Quand on est sourde, la visio c’est ce qu’il peut y avoir de pire pour moi.

Pourquoi ?

Parce que qu’on soit 4 ou 20, c’est la même chose,

Parce que la parole est souvent désorganisée,

Parce que j’angoisse de ne pas comprendre correctement ce que va me dire mon interlocuteur,

Parce que je ne vois pas mes interlocuteurs car ils ont coupé la caméra,

Parce que j’aurai des interlocuteurs qui auront une mauvaise connexion et donc leur image sera pixelisée,

Parce que l’image de mon interlocuteur est pixellisée alors je ne pourrai pas lire sur ses lèvres,

Parce que mon interlocutrice sera en contre-jour et son visage dans l’ombre,

Parce que mon interlocutrice aura mal placé sa caméra que je ne verrai que ses yeux,

Parce que le son sera pourri à cause de la mauvaise connexion ou configuration matérielle,

Parce que mon interlocutrice aura les mains sur son visage et ses lèvres seront cachées,

Parce que mon interlocuteur a un débit de parole tellement rapide que mon cerveau suit plus,

Parce que mon interlocuteur sera tellement timide et je ne peux pas lui en vouloir,

Parce que mon interlocuteur n’articule pas ou marmonne,

Parce que mon interlocuteur a une barbe qui cache ses lèvres et je ne peux pas voir,

Parce que mes correspondants seront animés par leur sujet qu’ils se couperont la parole régulièrement

Parce que mes correspondants seront en pleine réflexion, je ne pourrai pas suivre leur pensée car elle aura ni queue ni tête,

Parce que mon interlocuteur sera en train de manger et qu’il parle la bouche pleine,

Parce que mon interlocuteur croit qu’il a un super micro qu’on comprend tout, ou qu’il mange son micro,

Parce que mon interlocutrice aura un chewing-gum, je croirai qu’elle parle alors que non,

Parce que j’aurai parfois des acronymes ou noms propres que je ne connais pas,

Parce que selon les logiciels de visio, je ne pourrai pas configurer la disposition des écrans pour que ce soit confortable pour moi,

Parce qu’il m’arrive aussi de tomber en panne de batterie d’implants cochléaires et de ne rien entendre (c’est rare mais ça arrive)

Parce que je serai fatiguée de compenser tous ces aléas qui ne me permettent pas de suivre, ma suppléance mentale a des limites.

Il existe plusieurs services sur le marché, mais j’ai choisi ce qui me convenait le mieux. C’est financé par l’agefiph.

Je suis accompagnée par un service qui me permet de suivre correctement mes réunions : Tadeo. C’est un outil professionnel qui me permet de suivre les réunions de manière plus confortable. Il ne remplace pas mes implants cochléaires, ni mon cerveau, ni ma capacité à comprendre. Ce sont des personnes qui transcrivent la parole et qui m’accompagnent tout en restant dans l’ombre. Je les remercie ici.

C’est mon filet de secours quand je sais qu’un des paramètres qui ne sera pas ok.

C’est important, sans ça, je ne pourrais pas faire tout ce que je fais aujourd’hui. Il y a quelques années j’étais à mille lieues de pouvoir faire ce que je fais aujourd’hui.

Et je dois dire aussi que j’ai de la chance d’être dans une équipe sensibilisée à cette problématique pour les visios, j’ai toujours quelqu’un sur qui compter.

C’est ça aussi l’accessibilité numérique.

Pensez à moi quand vous avez un interlocuteur ou une interlocutrice sourde, pensez à tous ces petits détails. Merci.

Jour 8 – billet écrit dans le métro, mon spot préféré.

La découverte du monde sonore avec mes réseaux

Touches de piano en gros plan

Depuis mon opération, je suis décidée à écouter plus de musique. Surtout, je prends davantage plaisir à l’écouter puisque j’ai plus de fréquences sonores qu’avec les appareils auditifs.

Souvent, il m’arrive d’interpeller sur Twitter ou Mastodon en lançant un morceau de musique et en demandant aux autres de m’aider à élargir ma connaissance de la musique. Ainsi de cette façon j’élargis mon panel sonore et j’évite d’écouter des bouses qui font que mon fils se moque de moi. (Oui, mon chéri, maman essaie de rester à la page !)

Voici quelques morceaux que j’écoute souvent :

  • Faire redescendre la pression : Thunderstruck d’AC/DC
  • Besoin d’un fond sonore pour travailler : River flows in you de Yiruma
  • Penser à mes copaines : Another One Bites The Dust de Queen
  • Se motiver : Bad guys de Billie Eillish
  • S’envelopper de douceur : Tchaikovski, Casse-Noisettes op 71
  • M’exercer à décrypter des ambiances et la spatialisation des sons : les musiques de films de Hans Zimmer

Merci à Yann Kozon, David Rousset, Jérôme Dupire, Florine Archambeaud, Elie Sloïm et Marthe Unterner pour ces morceaux.

Je n’oublie pas évidemment tous les autres qui y ont aussi contribué. ❤️

Et si vous partagiez votre playlist pour que mon horizon sonore s’élargisse encore plus ?

Jour 8 de l’avent – billet écrit dans mon endroit préféré : le métro.

J’ai peur de mourir

Aperçu des rayons du soleil malgré la montagne

Pas plus tard qu’hier matin, j’étais dans le métro. J’ai appris une triste nouvelle. Couverte comme un esquimau avec mon masque, j’ai lu le message sur mon téléphone. Mes larmes ont commencé à envahir mes yeux, elles ont coulé sur mon visage et puis elles ont fini leur chemin dans mon masque.

Une amie chère est partie hier suite à une longue maladie. J’en dirai pas plus par respect pour la famille. Mais qu’est-ce qu’elle va me manquer ! Elle m’avait confié deux chattes noires que vous pouvez voir de temps en temps sur les réseaux sociaux mais aussi sur mes visios. J’avais gardé le lien avec elle depuis tout ce temps.

Il a fallu surmonter cette triste nouvelle et aller travailler. Hier soir, après avoir fini ma journée sur le trajet du retour, les larmes sont revenues. Elle occupait mes pensées, évidemment. La peine disparaît pas comme ça. Penser à ses proches, à elle.

Tout ça pour dire que oui, moi aussi, j’ai peur de mourir. D’éteindre cette lumière en moi. Cette vie qui s’arrêtera un jour.

Je crois que chacun et chacune avons peur au fond de nous même si on ne le verbalise pas toujours. Même si on y sera tous confrontés un jour. La vie et la mort.

J’ai remarqué que le sujet de la mort et du handicap étaient rarement verbalisés encore une fois. Cela fait déjà quelques années que je pense à cette problématique, pas de la mort, mais de la gestion de la mort avec le handicap. Sans oublier la mort numérique aussi, c’est un sujet qui va apparaître de plus en plus aussi.

Les pompes funèbres, les services en rapport avec la mort, sont-ils accessibles ? J’ai dans ma ville, plusieurs entreprises de pompes funèbres. Je n’ai jamais osé passer le seuil de leur local pour leur poser les questions qui m’interpellent. Je devrais certainement.

Un jour, pas demain, dans longtemps.

Je les pose ici, pour m’en rappeler le moment venu.

Comment pourrai-je contacter les pompes funèbres quand on voit les publicités qui énoncent toujours un numéro de téléphone. J’imagine mal les appeler avec mon handicap. Et même si j’y arrivais, comment arriverais-je à formuler tout ça au téléphone malgré ma peine ?

Lors des obsèques de mon tonton Claude, toute la famille avait pensé à moi. Iels avaient tous imprimé leur texte sur une feuille. Les pompes funèbres, le service religieux, ils n’avaient rien prévu. C’est ça qui m’y a fait penser.

Est-ce que les services de pompes funèbres sont sensibilisés au handicap quel qu’il soit ? Je ne sais pas. Ça m’interpelle et vous ?

Je dédie ce billet à Marie, personne si solaire à la chevelure flamboyante. 🖤

Jour 7 – Calendrier de l’avent