10 choses à ne pas faire avec une personne sourde

Deux implants cochleaires Nucleus 7 face à face formant un cœur au centre de la photo

Il est parfois bon de rappeler les choses basiques

  • offrir une paire d’écouteurs à une personne implantée, le son passe plus par la cochlée !
  • offrir une place de spectacle, sans avoir vérifié avant si c’est accessible ou si c’est visuel
  • s’éclairer à la bougie sous prétexte de sobriété énergétique, un bon éclairage est important
  • cacher votre bouche avec ses doigts ou de parler la bouche pleine, la lecture labiale sera plus facile
  • crier, articuler exagérément ou même sourire en parlant, ça déforme la lecture labiale, parlez normalement
  • évitez les bruits de fond, c’est difficile de faire la différence entre la parole et le fond sonore
  • parler tous en même temps, je vous écoute et je mobilise toute mon énergie pour comprendre
  • parler dans le dos, ça ne sert à rien mes yeux sont pas derrière la tête, je lis sur les lèvres
  • reformuler votre phrase tout de suite sans avoir essayé de la répéter une fois ou deux, j’ai un cerveau mais je ne suis pas une machine à comprendre
  • rester complètement immobile, votre corps et votre gestuelle communiquent aussi !

La suppléance mentale

Affiche sur laquelle la moitié des lettre est cachée et lisible difficilement du premier coup. Le texte suivant est "à l'école un enfant malentendant ne devrait jamais ressentir ce que vous ressentez en ce moment en lisant ces lignes". Affiche de l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris

C’est quoi la suppléance mentale ?

J’en parle souvent dans mes billets. C’est quelque chose que je fais quotidiennement.

C’est un effort intellectuel que je fais en permanence pour :

  • me concentrer pour pouvoir lire sur tes lèvres
  • me concentrer pour entendre quand je suis dans un lieu bruyant ou face à une personne masquée

Il m’arrive de ne pas entendre tous les sons qui composent la phrase, ou ne pas comprendre tous les mots. Comme si je faisais une dictée à trous toute la journée. Imaginez la fatigue que ça génère, de devoir compléter tous ces trous en permanence, tout le temps.

Si je pouvais penser à une situation dans laquelle vous pourriez être confronté à cette suppléance mentale, c’est pendant les réunions ou vous avez le son qui est très mauvais ou le son est coupé de temps à autre ne vous permettant pas de comprendre l’intégralité de la conversation durant 1 heure.

De temps en temps, c’est facile pour moi parce que je suis dans un environnement sonore calme. J’ai des personnes qui m’ont bien cernée et qui m’aident quand elles voient que je n’ai pas compris. C’est rare mais ça arrive et heureusement !

Dans une cantine par exemple, j’ai souvent la moitié des phrases qui m’échappent. Parce que d’une part, c’est un lieu bruyant, les gens mangent et parlent parfois la bouche pleine. Le son est beaucoup moins audible.

C’est un moment de repos pour les autres et d’échange, je ne force pas plus. Pourquoi un moment de repos pour les autres ? Parce que pour moi être dans le bruit ce n’est pas reposant. Je me dis tant pis, ça n’est pas bien grave même si au fond de moi ça génère de la frustration.

Dans une réunion, ça va être plus compliqué. Je vais devoir être concentrée deux fois plus car les écrans sont pas optimaux, les gens se coupent la parole.

Dans un échange à deux, tout va bien. 🙂

Quand j’arrive à compléter ma phrase à trous, je ne comprends pas forcément tout de suite. J’ai un temps de retard. C’est pourquoi parfois je dis : « ah oui ! » cinq minutes après. Il y a de quoi avoir l’air bête mais c’est comme ça.

Je parle souvent de dictée à trous parce que c’est visuel comme image. Ca marche aussi avec les mots qui n’ont qu’une lettre qui change. Je vais faire simple. En lecture labiale, les mots « main », « bain », « pain » sont quasiment pareils. Si on n’a pas le son, on ne peut pas les différencier sur les lèvres. C’est une autre compétence. Seul le contexte et la phrase dans lequel sera le mot donnera tout le sens au mot que je ne peux pas différencier en lecture labiale.

La suppléance mentale, c’est aussi chasser les mauvais mots qui me permettent de communiquer correctement. Mon environnement, le contexte de ce que je vois et entends fait toute la différence mais ne fait pas tout.

Jour 13

Une folle journée dans ma vie de sourde

Sophie emmitouflée dans un châle avec un regard malicieux et des oreilles noires de Minnie assorties d'un gros nœud rouge à pois.

Je m’appelle Sophie, je suis sourde profonde de naissance, bi-implantée cochléaire. Je lis sur les lèvres et je parle.

Cette fois-ci, je vais restituer une journée de ma vie quotidienne tout en prenant les mauvais moments qui me sont arrivés. Ce billet a été écrit une première fois pour 24 jours de web en 2012 sous le titre de « Cauchemars connectés« .

Je le remets au goût du jour avec mes implants cochléaires cette fois-ci.

7 h 30 du matin, ma montre n’a pas vibré. Je me réveille en catastrophe. Le cœur qui bat 100 à l’heure. La batterie de ma montre est tombée en rade cette nuit. Je me lève, je n’ai pas encore mis mes implants cochléaires. La maison est dans le noir, l’adolescent est déjà parti au lycée. Les chats me suivent.

8 h, j’attends la livraison de mes courses. Un sms m’a été envoyé pour me dire où était mon livreur. Je clique dessus, je le vois encore assez loin de mon domicile. J’ai encore le temps de prendre un café, me doucher et m’habiller. Il faut que je me dépêche de mettre mes implants cochléaires pour pouvoir entendre l’interphone quand il arrivera.

8 h 30, j’ai avalé mon café. Mes sens sont à l’affût, toute mon attention est sur l’interphone qui doit bientôt sonner car le livreur n’est plus très loin. Je surveille aussi mon téléphone des fois qu’il m’appellerait.

9 h, je regarde mon téléphone portable, il y a bien eu un appel en absence. Mon attention était sur autre chose et c’était mon livreur. Je dégaine mon application RogerVoice pour pouvoir le rappeler, je choisis de prendre la version sans copilote pour aller plus vite. Le livreur décroche, il parle, je lis sur mon téléphone ce qu’il me dit. Il y a quelques coquilles parce qu’il articule pas vite et qu’il est entouré de bruits. Mais je comprends très vite qu’il est en bas de chez moi.
Note : le copilote est une personne qui corrige les transcriptions automatiques et qui fait l’interface avec le correspondant téléphonique.

9 h 05, je raccroche. L’interphone sonne. Je décroche l’interphone. Je cale vite et bien le combiné sur mon implant cochléaire. J’essaie de comprendre ce qu’il me dit malgré le bruit de l’avenue. J’entends le nom de la marque. J’indique l’étage et ouvre la porte avec insistance. Il me parle, je ne le comprends pas.

9 h 10, j’attends la porte ouverte de mon appartement le livreur. L’interphone re-sonne à nouveau. Je re-décroche, un peu agacée d’avoir passé 5 minutes à guetter l’ascenseur. Il me parle dans l’interphone, je ne comprends pas. Je lui réponds que je ne comprends pas ce qu’il me dit et lui indique à nouveau l’étage, j’ouvre et je raccroche.

9 h 15, le livreur arrive enfin avec mes courses. Je l’accueille avec un grand sourire malgré l’agacement de tout à l’heure. Il me regarde un peu interloqué entre la voix de tout à l’heure et le visage qu’il voit. Je m’empresse de lui dire que je suis sourde et que je n’entends pas à l’interphone. C’est la raison pour laquelle j’ai été rapide dans mes réponses. Il comprend, me fait un sourire. Je lui souhaite bonne journée et il repart.

9 h 20, je réalise qu’il faut que je sois rapidement connectée pour mon point du jour au travail puisque je suis en télétravail. Je lance mes ordinateurs, le professionnel et mon aide technique Tadeo qui m’aide à comprendre mes réunions via une transcription. Je mets au frais que ce qui doit l’être. Le reste attendra.

9 h 25, je me connecte, j’échange rapidement avec les transcripteurs qui m’accompagneront pendant ce point. Un petit coucou, prendre de leurs nouvelles. Mettre mes implants cochléaires sur mon micro qui m’enverra le son de ma réunion directement. J’utilise un système bluetooth qui envoie le son dans mes implants.

9 h 30, je suis au rendez-vous sur le point journalier. Je vois les gens parler, la transcription marcher. Je me rends compte que mes implants cochléaires ne sont pas connectés. Je revérifie sur mon application mobile si ces derniers sont bien connectés au micro bluetooth. Ça a l’air d’être le cas. La réunion avance dans le temps, j’arrive toujours pas à entendre les paroles bien que je vois les collègues bouger et parler, la transcription qui avance. Ça m’énerve, j’essaie de ne pas m’agiter sur ma chaise, j’ai chaud, je veux entendre le son de la réunion. Je débranche le micro, je le rebranche, je vérifie que j’ai bien mis le son sur mon ordinateur, que je ne l’ai pas muté. Je fais toutes les manipulations possibles. Le son arrive dans mes oreilles. Enfin !

9 h 40, c’est à mon tour de parler. Il y a un blanc dans la réunion. J’entends : « Sophie ? Sophie ? ». Oui, je reconnais mon prénom ! 🙂
Je prends la parole. Tout se passe bien. Les échanges se font correctement avec l’aide du son que je perçois, la vidéo que je vois et la transcription que je surveille d’un œil qui me permet de checker et valider dans ma tête que c’est bien ce que j’ai compris.

10 h, j’ai un petit coup de pompe. Je me fais un café. J’entends les chats miauler pour avoir de la patée. Non, c’est pas l’heure ! La machine ronronne. Je bois mon café, j’observe dehors. J’entends les travaux de la rue.

10 h 15, je me mets au travail. Je commence un audit avec mes outils habituels. Je dois vérifier une interface web, je lance la synthèse vocale sur mon mac, VoiceOver. Je vérifie qu’il y a bien la visionneuse de paroles. Puisque je n’entends pas, je peux lire ce qui est restitué par la synthèse vocale. Elle me permet de vérifier que les personnes aveugles et malvoyantes pourront accéder au contenu correctement.

11 h 30, je dois partir à Paris rejoindre une personne pour manger. Je vérifie sur mon application RATP, que tout va bien, pas de perturbations. Arrivée au RER, je vois qu’il y a pas d’informations sur le panneau visuel. Je mets mon masque en prévision pour quand je monterai dans mon train.

11 h 40, toujours pas de RER à l’horizon. J’entends une annonce vocale mais aucune information écrite. J’essaie de comprendre ce qui se dit. C’est difficile, ce n’est pas un message automatique. Les mots se bousculent dans ma tête, mon imagination est en marche ! J’imagine que le RER est en retard de X temps, qu’il y a un incident voyageur, qu’un caténaire est tombé, tout se bouscule.

11 h 45, le RER arrive ! Je mets mon masque. Je m’assois dans le train. Quelques stations plus loin, un touriste avec un masque m’interpelle. Je ne le comprends pas. Il y a trop de bruits et sa bouche est masquée. Je m’excuse, je lui dis que je ne le comprends pas et lui demande de répéter. Il me comprend pas et se tourne vers quelqu’un d’autre. Je réalise qu’il m’avait parlé en anglais alors qu’il avait aussi son masque. Ça aurait été mission très compliquée de le comprendre rien qu’à l’audio et en anglais.

12 h 30, j’arrive à Paris. J’ai l’adresse de mon rendez-vous mais je connais pas le chemin. Je regarde le plan sur mon smartphone. Heureusement que j’ai de l’internet sur ce mobile ! Ce téléphone est mon allié dans ces moments ! J’arrive à l’adresse indiquée grâce à mon plan et ma connexion internet.

12 h 40, je suis au rendez-vous au restaurant. Une serveuse vient nous donner la carte. Je vois qu’elle est masquée. Je vais encore devoir faire appel à mon effort mental pour la comprendre. Je fais mes choix, elle revient. Elle me parle à travers son masque. Je comprends par habitude si j’ai fait mon choix. Je lui souris, je m’excuse en lui disant que je suis sourde et que je ne pourrai pas forcément comprendre ce qu’elle me dit. Je vois à ses yeux qu’elle ne comprend pas ce que je viens de lui dire alors que je parle. Je passe ma commande. Elle me répond, je la regarde. Je répète ce que j’ai choisi. Elle acquiesce. C’est bon, je vais pouvoir souffler un peu et profiter de mon interlocutrice.

Le déjeuner est passé, je dois me rendre à un autre endroit.

14 h 30, je suis à l’adresse indiquée. Face à un interphone. Je râle intérieurement. Je me dis que s’il y avait des visiophones dans les deux sens, ca serait drôlement pratique. Il y a du braille, c’est déjà ça. Mais ça ne va pas m’aider puisque moi je vois, mais j’entends pas. Le braille, c’est pour les personnes aveugles ou sourdes-aveugles.

Je prends sur moi. Je sonne, j’attends 5 secondes mentalement et je secoue la porte comme une dératée pour l’ouvrir en espérant tomber pile sur l’ouverture de cette porte. Les rares passants de la rue me dévisagent. Je m’en fous. Je veux entrer même si j’entends pas. J’arrive à entrer après avoir sonné 2 fois.

Je vois un ascenseur parisien, celui qui est tout riquiqui, où tu peux monter toute seule, et pas une personne de plus. Je monte, et là, l’ascenseur, au lieu de monter péniblement, s’arrête entre deux étages. J’essaie de redescendre au rez-de-chaussée, de monter à l’étage suivant. Rien à faire. J’appuie sur le bouton d’alarme, ce bouton qui a bien la transcription en braille (qui est pour les personnes aveugles), mais rien d’autre que le téléphone pour être en contact avec la société de dépannage.

J’attends, histoire de voir si ça se débloque, s’il y a le moindre son qui sort de ce foutu haut-parleur.

15 minutes ont passé. Toujours enfermée dans cet ascenseur mono-place, j’essaie de prévenir mon contact par mail. Pas de chance, le réseau ne passe pas très bien. Dans ces moments-là, j’essaie de ne pas m’énerver et de trouver des solutions alternatives. Je re-tente ma chance sur le bouton de dépannage, tant pis si ça les agace parce que personne ne parle dedans ou que ça ne correspond pas a ce qu’ils peuvent attendre. En attendant, j’essaie de faire partir mon message à destination de mon contact. Je peux enfin envisager une issue de secours en voyant mon contact arriver suite à mon message de dernière minute. Je lui envoie le numéro de téléphone de la cabine, et il se débrouille pour me faire sortir de là.

Après toutes ces émotions, le rendez-vous a bien eu lieu avec du retard.

Je repars avec mon sac à dos et sac à main. Une fois dans la rue, je me fais tirer mon sac à main. Il ne me reste plus que ma carte bleue et mon téléphone en poche.

Je pars faire une déclaration de vol dans un commissariat parisien. C’est compliqué. Tout le monde est masqué et je ne comprends personne. Je suis, en fait, emmurée dans mon silence avec tous ces bribes qui m’entourent. J’arrive à trouver un policier qui finalement comprendra que j’ai besoin de lire sur les lèvres. Il acceptera de baisser son masque pour pouvoir communiquer avec moi. Mais ils ne sont pas tous sensibilisés au handicap. Prévenir que j’entends pas, car c’est un handicap invisible, car je parle, car je lis sur les lèvres mais je ne comprends pas les marmonnements, car je regarde dans les yeux quand on me parle, et articuler un minimum pour que le dialogue soit à peu près correct.

Sous le choc et la fatigue, je décide de prendre un taxi pour rentrer chez moi. J’utilise l’application Uber. La première réservation est annulée, le chauffeur a annulé. Je n’ai pas compris pourquoi. J’insiste. Je recommence. Nouvelle annulation. Je m’énerve, il fait froid, je suis fatiguée, je veux rentrer chez moi.

Je fais un tweet à l’intention de l’entreprise, dans la foulée, je réserve à nouveau un Uber. J’y arrive. Il arrive rapidement. Il regarde la route et communique avec moi oralement et visuellement à travers son rétroviseur. Il essaie d’engager la conversation. Mais avec la fatigue de la journée que j’ai cumulée, je lui dis que je ne fais pas la tête mais que je suis sourde et que je lis sur les lèvres. Il comprends pas, il insiste pour parler. Je lui explique à nouveau qu’il me faut me contorsionner pour voir ses lèvres dans le rétroviseur. Il est hors de question qu’il se retourne pendant sa conduite. Il acquiesce en me regardant dans le rétroviseur. Il se retourne quand il est au feu rouge. Mon trajet se termine bien et avec le sourire.

Tout cela mis bout à bout, c’est incroyable, mais tous ces événements me sont déjà arrivés.

Internet et le smartphone est un objet magique quand on y accède bien. C’est une révolution pour l’autonomie pour les personnes sourdes ou malentendantes !

Ce petit objet que vous considérez souvent comme un gadget de geek, moi c’est mon meilleur ami.

Je suis sourde et j’écoute des podcasts

Jacques Villeret dans la Soupe aux choux

Jour 4 du calendrier de l’avent

Assise à mon ordinateur, face à la fenêtre, un chat noir à ma droite et mon smartphone à ma gauche. Je suis prête pour surfer sur internet.

C’est la fin du week-end, samedi j’ai pas beaucoup surfé. J’ai surtout dormi. Les samedis en général, je suis très fatiguée de la semaine et bien souvent mes implants cochléaires ne sont pas actifs le samedi matin. J’ai besoin de cette bulle de silence qui me permet de souffler. Étonnant, non ?

C’est simple, quand je mets mes implants cochléaires, tous mes sens sont en effervescence. Mon cerveau est en analyse permanente de tous ces sons qui nous entourent. Je n’ai pas de pause, ni de silence avec mes implants cochléaires. J’ai un temps calme mais pas silencieux. Je vous vois écarquiller les yeux de surprise, vous interroger sur ce fameux silence. Quand vous êtes dans le « silence », moi je suis dans un silence différent du votre. Mon silence n’est pas le vôtre et inversement. Il n’y a pas de mots simples pour l’expliquer, j’y arriverai peut être un jour… Même si je vous disais que le silence est total, cela ne peut même pas ressembler au silence que vous pouvez avoir quand vous êtes sous l’eau en mer ou en piscine. Sous l’eau, on entend finalement des choses.

Quand j’étais petite, j’étais persuadée que vous pouviez entendre mon silence quand j’étais sous l’eau, avec ma main qui bouchait mon nez et les yeux ouverts. Avec le temps, je me suis rendue compte que non. Nos silences ne se ressemblent pas et ne se ressembleront jamais. Mon audition bionique ne ressemblera jamais à celle que vous avez même si elle est un peu dégradée.

Donc pour revenir à mon quotidien sur internet, nous sommes dimanche soir. J’ai retiré mes implants cochléaires pour écrire. J’apprécie beaucoup ce moment alors que beaucoup d’entre-nous n’aiment pas le dimanche soir nommé le blues sunday.

Pour contrer ce syndrome, il m’arrive souvent de bouger physiquement ou bien de surfer un peu sur internet.

Je lance mes réseaux sociaux parce que vendredi j’avais cousu un vêtement qui s’est soldé par un échec vestimentaire. Je cherchais des informations supplémentaires sur le patron. Pas de chance, il est pas très bien coupé seulement personne n’en parle à l’écrit. Mon réseau Instagram me confirme que ça a été évoqué dans les podcasts.

Intérieurement, je suis frustrée parce que j’ai, d’une part, raté un vêtement
et d’autre part, ces nouveaux moyens de communication utilisés au détriment des blogs ne me permettent pas de récupérer toutes les informations nécessaires pour réaliser certains vêtements. J’ai utilisé du tissu qui ne sera peut être pas portable, donc un investissement financier, du temps perdu, et de la déception.

Ces médias audios ne me sont pas accessibles. J’ai bien conscience que quand quelqu’un réalise un podcast, c’est d’abord pour se faire plaisir et pour s’exprimer. Pas forcément pour faire plaisir aux autres ou alors chercher la reconnaissance de l’autre.

Tous ces podcasts génèrent de la frustration chez moi. Au fil des années, j’ai pourtant amélioré mon audition bien qu’elle soit bionique. Il y a des limites que je ne peux pas (encore ?) dépasser.

Souvent, je demande gentiment à avoir une transcription.

Il arrive que j’aie des réponses négatives de type « je n’ai pas le temps », « je n’ai pas les moyens »… et là, c’est me renvoyer directement face à ma surdité. C’est violent. C’est aussi m’exclure. C’est une manière de me dire non tout en ne le faisant pas puisque cela ne te fera pas plaisir de le faire, cela te prendra du temps.

Si je devais comparer ça à une situation d’une personne valide, ça pourrait être l’exemple type du déménagement. Qui a reçu un message de copains qui demande de l’aide pour déménager ? Les réponses négatives sont nombreuses. Ben oui, qui aime déménager finalement ? C’est fatiguant, ça prend du temps et de l’énergie. Seuls ceux qui sont nos copains nous aideront.

Quand on me répond par la positive pour me mettre à disposition une transcription, c’est évidemment une énorme joie chez moi car je me dis que j’ai réussi à faire bouger un peu les choses. Après, il faut que cette habitude de faire des transcriptions soit intégrée à la réalisation des podcasts. Si on réfléchit bien, le travail peut être fait rapidement si on a structuré son contenu. Ça peut être fait rapidement si on s’applique à parler distinctement aussi pour pouvoir permettre aux intelligences artificielles de reconnaitre les sons et de les transposer à l’écrit.

Quand cela concerne une entreprise, c’est une autre histoire.

Si les gens prennent plaisir à réaliser leur podcast, moi, j’aimerais prendre plaisir à comprendre leur contenu. Devoir demander une transcription gâche forcément mon plaisir. Je me retrouve à quémander alors que je ne voulais que le découvrir.

PS : je suis sourde et j’écoute des podcasts, ça vous étonne ?

PPS : Un super lien de ressources @Podcasccessible

Recrutez une personne handicapée, vous aurez bien des surprises…

Sophie à 5 ans, avec des plumes dans les cheveux comme les indiens

Jour 3 du calendrier de l’avent.

Aujourd’hui c’est la journée internationale des personnes handicapées selon les Nations Unies. Je profite un peu de cette journée internationale pour parler de l’emploi.

  • 15% de la population mondiale vit avec un handicap
  • 80% des handicaps sont invisibles
  • 6 millions de personnes sourdes et malentendantes
  • 14% des personnes handicapées sont au chômage (!) (source)

MonParcoursHandicap.fr cite quelques chiffres et les différentes lois qui ont été promulguées en France dont la loi du 11 février 2005.

Cette semaine, j’ai lu un article qui parlait de l’emploi des personnes handicapées. Sur le coup, j’étais contente et quand j’ai lu l’article, dans ma tête, un petit vélo s’est mis en marche et il a mouliné. Ça vous intrigue ?

Petit flashback : en 2002, je me suis retrouvée sur le marché de l’emploi quasiment du jour au lendemain. Suite à ce choc, j’ai été immobilisée pendant de longs mois. Mon dos m’avait dit stop, comme on dit « J’en avais plein le dos ». J’avais un corset moulé sur mesure, une collection de marcels en coton qui me permettaient de le supporter toute la journée et la nuit. J’avais le moral à zéro parce que je ne pouvais pas bouger, m’asseoir était terrible, allongée c’était l’enfer. Aucun position ne me permettait d’être confortable et d’espérer une issue positive (spoiler :oui, il y a eu une issue positive mais uniquement grâce à un ami et mon cher et tendre et moi). Heureusement pour mon moral, à cette époque une bande de copains étaient venus fêter mes 25 ans par surprise. Personne ne devrait vivre ce genre de choses à 25 ans quand on arrive sur le marché de l’emploi, surtout quand on est en situation de handicap.

Quand on est jeune, on est motivé, plein d’espérance, d’envie, de courage, avide de découvertes professionnelles. J’ai été naïve de penser que ça se passerait bien dès le départ. J’ai même fait du porte à porte faute de ne pouvoir téléphoner pour décrocher des entretiens, j’ai été confrontée à des interphones qui sont l’enfer incarné pour les personnes sourdes. Internet n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui.
La leçon que j’en tire aujourd’hui est que j’ai rebondi comme j’ai pu.

Pour en revenir à l’article que j’ai lu : Pénurie de main d’œuvre : les deux tiers des employeurs se disent prêts à embaucher des personnes en situation de handicap, 64% des recruteurs se disent prêts à embaucher. C’est bien, mais combien passent réellement à l’action ? 35% voient l’insertion et l’emploi des personnes en situation de handicap comme une priorité. Le chiffre est divisé en deux quand il s’agit de priorité.

Petite note pour l’auteur de l’article de France Info : parler d’une personne handicapée comme un « handicapé apporte un plus à l’entreprise » c’est pas très respectueux et très maladroit. Nous sommes des humains, comme vous.

Dans l’article, il est dit « les employeurs sont de plus en plus nombreux à percevoir les personnes en situtation de handicap comme une manière de stimuler la performance et l’innovation au sein des équipes ».

C’est peut-être vrai, mais il faut penser aussi que si on inclut une personne handicapée dans ses équipes, il faut faire le nécessaire pour que celle-ci soit à égalité avec les autres. Ca fait écho à un post linkedin que j’avais fait récemment. Quand on intègre une personne handicapée dans ses équipes, on aménage le poste déjà en premier lieu par rapport aux besoins de celle-ci et surtout on n’attend pas. Si c’est un jeune collaborateur, on fait intervenir les professionnels qu’il faut pour que tout soit pris en compte (y compris l’évacuation en cas d’incendie dans le bâtiment !).
On adapte sa communication interne, on fait ce qu’il faut pour qu’il y ait égalité à tout moment.

Par contre, la personne handicapée, elle n’est pas là pour d’abord pour votre performance, stimuler vos équipes. Elle est là d’abord parce que vous avez besoin de ses compétences professionnelles, pas de son handicap. J’ai vécu une époque où on recrutait uniquement à cause du quota, et franchement, une des pires expériences de ma vie.

Petit point important : la rémunération de la personne handicapée. On en parle jamais. Un sujet tabou je crois, peut être que je me trompe ou je me débrouille pas bien. Mais ce n’est pas parce qu’elle a un handicap qu’elle doit être moins bien payée, parce qu’il faut aménager son poste et que ca va vous coûter (les aides sont là pour ça aussi), parce que vous touchez des aides pour le recrutement de celle-ci qu’il faut en profiter.
Une personne en situation de handicap, est en fait, un collaborateur au même titre que les autres. Combien de fois j’ai été choquée de voir que j’étais moins bien payée que mes collègues… Je trouve ça choquant et triste. Pensez-y si vous devez recruter un collaborateur en situation de handicap, pensez à ses compétences pas à ce qui lui manque pour être comme vous.

Je suis sourde, je n’ai pas la même vision de ce qui m’entoure comme vous. Je vais penser à des choses qui me sont nécessaires et pas évidentes pour vous mais qui vous serviront aussi par ricochet.

Je pourrai vous reparler dans un autre billet, les différentes aides possibles pour les personnes sourdes à l’emploi.

C’est là, la richesse de la diversité. Avoir des personnes différentes de tous horizons (pas uniquement le handicap) vous permettra d’assurer l’égalité, la bienveillance, l’empathie et parfois des relations amicales que vous ne soupçonneriez dans vos équipes… 🥰