Mamie Marie-Thérèse

Sophie à l'âge de 3 ou 4 ans, assise sur le pas de la maison de ma grand-mère. Toute sourire, petite robe grise, pull over rouge, bottines de peau beige avec de la moumoute. Le pas de la maison de ma grand-mère est fait de dalles blanches en pierre déstructurées.

Voilà quatre jours que tu es partie rejoindre Papi pour l’éternité. 

Tu avais 96 ans, un bel âge pour une vie tellement remplie …

Quatre jours que je ressasse les souvenirs que j’ai avec toi.
Quatre jours que je me demande comment je vais commencer ce billet tellement je veux laisser une trace ici. 

J’ai encore eu cette chance d’avoir pu aller te voir le mois dernier où j’ai passé tout un moment en ta présence mains dans les mains, tête contre tête.

Mars est le mois de ta naissance et de ton décès, mais ce que je retiens surtout, cette année, c’est la période de floraison des Magnolias en France et des Sakura au Japon. 

Tu aimais tellement les fleurs, que tu avais toujours un pot dans la salle à manger avec ces cyclamens ou ces kalanchoés, toujours une petite rangée de fleurs sur le devant de ta maison. 

Toi toujours coquette, avec ta mise en plis faite avec précaution souvent par une voisine. Classe, avec tes vêtements que tu pouvais coudre toi-même et prestance car tu étais grande. Ces qualités ne t’ont quasiment pas quittée de ta vie.

Les souvenirs sont pêle-mêle, les années se mélangent.

Aller dans l’arrière-cuisine en catimini pour y chiper des sucreries, je me disais toujours ni vu, ni connu, mais à mon avis, je devais faire bien plus de bruit que je ne le pensais. Est-ce que tu faisais semblant de ne pas avoir entendu ?

Regarder avec envie ces yaourts que tu achetais pour Tonton Olivier au caramel, et je demandais à chaque fois si je pouvais en prendre. Bien sûr que oui, pour moi c’était les yaourts de Tonton Olivier qui était à l’époque chauffeur routier. 

Repenser à cette porte-fenêtre dans la chambre où je dormais. Je n’avais pas le droit de passer le pas de cette fenêtre qui donnait directement sur le jardin et qui n’avait pas de barrière. Il arrivait que je bravais l’interdit pour descendre de cette fenêtre, faire le tour de la maison pour sonner à la porte d’entrée. Je riais aux éclats parce que je pouvais facilement passer sous la fenêtre de la cuisine qui était bien haute. Parfois tu riais de ma bêtise, parfois tu me disais que non il ne fallait pas le faire. 

Ce souvenir de ce tiroir dans cette cuisine en formica imitation bois, où il y avait les cahiers de dessin et de coloriage avec les crayons. Ce tiroir a toujours été là. 

Cette poubelle magique qui m’intriguait quand j’étais petite. On ouvrait la porte de l’évier et il y avait un trou béant au sol qui « avalait » les déchets, les miettes qu’on pouvait ramasser avec le balai. J’ai été longtemps intriguée par cette poubelle, je ne comprenais pas comment ce trou pouvait avaler autant de choses … Je l’ai compris bien plus tard. 

Cette cave toute noire, froide, basse de plafond, nombreuses sont les personnes qui se sont cognées la tête sur ce cadre de porte. J’en avais tellement peur que je ne voulais pas y aller. Les années ont passé, un jour j’y suis allée et j’ai été émerveillée de voir toutes ces pommes et ces pots de confiture que tu conservais dans cette cave avec papi, alignées parfaitement, comme si ca avait été rangé avec une règle.

Ce grenier sombre, j’avais interdiction d’y aller, l’escalier était tellement raide. Tu avais peur qu’on s’y rompe le cou. Comme c’était interdit, la tentation d’aller voir, était bien grande que j’y suis allée quelques fois avec mes cousins pour y découvrir des choses qui ne servaient plus …

Comme ces chaises hautes de bébé avec une lanière de cuir pour les empêcher de tomber, c’est vrai, tu as été nourrice pendant une période de ta vie après avoir élevé cinq enfants. 

Je sais que tu as connu la guerre de 39-45 mais tu en as jamais parlé de ton ressenti de cette période. J’ai juste les quelques bribes que Papi a bien voulu partager avec nous.

Le soir, je pouvais regarder la télé mais pas la journée ou alors seulement les Feux de l’Amour ou Dallas. À l’époque, les programmes sous-titrés étaient bien rares et pas forcément adaptés à mon âge. La télé était dans la cuisine avec mon décodeur télétexte. Je pouvais regarder le programme que je voulais c’était un luxe pour moi ! Avoir la télé à moi seule pendant que tu la regardais avec papi dans la salle à manger. 

La journée, il m’arrivait de prendre une chaise pour y accrocher un élastique au portail et sauter à l’élastique devant la sortie du garage. Je passais en fin de compte pas mal de temps dehors à faire je ne sais plus quoi. 

Cette clio grise où il fallait monter derrière parce que Papi était pas d’accord et qu’une fois la côte montée, tu t’arrêtais, je passais devant sur les sièges pour pouvoir m’attacher correctement. Cette cachotterie n’a pas duré longtemps, mais j’en garde un excellent souvenir. 

C’est toi aussi qui m’a donné ce contact avec les animaux, découvrir ces petits poussins tous jaunes enfermés dans des cagettes dans la grande Halle du marché de Bressuire, ca m’avait intriguée.
Les oies et lapins que tu nous laissais toucher pour ensuite les tuer pour le repas, je n’ai jamais pu en manger un seul puisque j’avais vu comment tu faisais. Mais ça ne m’a pas empêchée d’être intriguée sur la préparation des escargots, des poissons, ces trucs que tu préparais avec ton sempiternel couteau de cuisine et ton tablier. Tu en avais le pouce abimé à force. 

Ce pouce, qui passait son temps à tourner autour de l’autre pouce quand tu avais les mains croisées sur ton ventre quand tu regardais la télé, pendant les conversations, c’était une manière d’occuper tes mains. 

J’ai appris il y a deux ans, je crois, que tu avais fait une école de couture, j’aurais tellement voulu en parler davantage mais ta mémoire te faisait déjà bien défaut… école, stage, je ne sais pas, mais tes yeux ont brillé à ce moment-là quand tu en as parlé. 

C’est toi qui m’a offert ma première machine à coudre. J’ai appris à coudre toute seule mais j’étais fière de pouvoir faire comme toi, de coudre mes vêtements désormais. 

J’adorais quand on arrivait avec mes parents sans prévenir, et voir ta tête dans l’encadrement de la fenêtre de la cuisine. Tu avais un air ahuri, incrédule à chaque fois que ce soit à Bressuire ou à la Boisselée. Tu levais les bras tellement tu étais contente. Toujours contente que j’avais peur d’être étouffée dans tes bras et ton énorme bisou sonore que personne n’a jamais pu imiter. 

Il n’y aura plus d’arrivées surprises. 

Journée mondiale de la surdité

Sophie avec un sourire à l'âge de 5 ans au garde à vous, les bras derrière le dos, avec sur la tête un bandeau intitulé Presse-Ouest, avec une plume rouge accrochée.

10 millions de personnes qui ont un trouble de l’audition en France ! Hein, j’ai pas bien entendu ?

Oui, aujourd’hui ce chiffre est estimé à 10 millions de personnes (source : enquête de la DREES). Il est urgent d’agir, de ne plus mettre ce handicap de côté.

Pourquoi je parle de ce chiffre ? La surdité est un handicap invisible. Nombreuses sont les personnes qui sous-estiment la charge mentale que j’ai quotidiennement pour pallier à mes besoins auditifs.

Je le vis bien aujourd’hui parce que j’ai mis en place des systèmes qui font que je ne fatigue plus autant qu’avant, mais cet équilibre est fragile et peut être menacé à tout moment.

Quelles sont les 3 principales bonnes pratiques que vous pouvez utiliser face à une personne sourde comme moi ?

  • Parlez normalement : restez vous-même !
  • N’hésitez pas à répéter : je fronce des sourcils quand je n’ai pas compris,
  • Évitez de mettre les mains sur votre visage car je lis sur vos lèvres.

Comment je lis sur vos lèvres ?

Je pratique la lecture labiale depuis ma tendre enfance, c’est ça qui m’a sauvée de mon silence. Cela demande un entraînement mais aussi une souplesse célébrale pour faire la distinction entre les différents mots qui ont des sosies labiaux.

Fatigue auditive ?

À force d’efforts quotidiens, beaucoup de personnes oublient que la fatigue auditive est quasi présente. Pour cela, je fais en sorte d’utiliser les outils qui me facilitent mon quotidien, j’y arrive mais cela implique une bonne organisation et une bonne dose de sensibilisation.

C’est un sujet qui est très peu abordé mais qui commence à l’être avec l’évolution des technologies, les personnes qui ont des troubles de l’audition, le chiffre va doubler d’ici 2050 au niveau mondial.

Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale de la Surdité. Je partage ces deux petits moments de joie du jour avec vous :

Le premier, j’avais décliné ma présence à un évènement au départ. En discutant avec la personne, les choses se sont mises en place, et une solution a été trouvée. Je suis contente parce que je sais que je vais pouvoir me reposer dessus pour ma compréhension.

Le second, j’ai eu la joie ce matin de rencontrer une équipe avec qui je vais travailler dans les semaines à venir. Lors de notre rencontre, j’ai eu droit à la question des choses à faire pour que notre rendez-vous se passe bien, que notre collaboration soit optimale et que la communication ne lèse personne.

Ce genre de comportement fait plaisir, car oui, la surdité est un handicap invisible et parfois il est un peu lourd à porter seule.

N’hésitez pas à faire ces petits efforts minimes pour vous, mais tellement importants pour moi et les personnes concernées par cette surdité.

PS : désolée pour ceux qui n’aiment pas les photos des gens, mais là j’étais obligée pour vous interpeller sur le sujet. Et oui, j’étais déjà en mode « combative », enfant.

2025, les résolutions, les vœux…

Implants cochléaires posés face à face avec chacun de leur côté l'antenne qui est reliée. La forme intérieure est un coeur.

Janvier est souvent le mois des résolutions, des vœux.

Le monde a tellement évolué. Il y a du bien mais le négatif déborde dessus. C’est difficile de garder à vue le côté positif de ce monde surtout en ce moment.

Voilà maintenant 30 jours que je me refusais à publier un message de meilleurs vœux pour montrer que j’existais sur les réseaux entre autres.

Je trouve ça hypocrite. 

Voilà, j’ai procrastiné, maintenant faut passer à l’action.

J’ai lance So accessible voilà il y a maintenant, 6 mois.
Non, je ne ferai pas de bilan chiffré. 

Le question qui brûle les lèvres, j’imagine : est-ce que je regrette ? Non. 

L’entreprenariat n’est pas à la portée de n’importe qui comme on peut le voir sur les réseaux sociaux. 

L’entreprenariat au féminin, c’est pas si facile que ça. Je pèse mes mots parce que je ne veux pas donner de vision précise pour le moment, chacune et chacun a son idée.

L’entreprenariat en tant que personne sourde, ce n’est pas facile du tout. Le handicap augmente la difficulté de pouvoir entreprendre, compenser par rapport à son handicap. Et la compensation a ses limites matérielles, psychologiques et physiques. 

Le sentiment que j’ai aujourd’hui : être au 42 ème jour du mois de janvier. C’est pour vous dire qu’il a été si long, il m’a achevée. Mise à terre pour être franche.

Cependant, ce nouveau challenge m’appris de nombreuses choses.

Le silence

J’ai conscience qu’il me faut davantage de silence qu’avant. Aujourd’hui, je ne peux plus me lever et mettre les appareils au réveil. Non, il me faut du temps.

Même chose en journée, j’ai besoin de ce temps de silence. 

Jamais, au grand jamais, j’aurais imaginé que ça m’arriverait. Personne ne m’avait prévenue, j’en parle maintenant pour prévenir les générations futures. La fatigue auditive, personne n’en parle.

Elle est dangereuse car elle peut aller jusqu’à provoquer une fatigue physique et mentale. 

Janvier est le mois où mon corps m’a redit à nouveau stop. Cette fois-ci, ne pas utiliser sa souris et travailler mais avec un cerveau encore en marche. La douleur a pris le dessus. Elle a tout effacé et a commandé l’arrêt total. 

Après 3 semaines de mise à terre, je me relève enfin. Je tire des leçons, de la résilience, comme toujours. Toujours je me relèverai. Je n’abandonnerai pas.

Regard dans le rétroviseur

2024 a été une année incroyablement riche. Quitter mon emploi salarié après avoir été à l’autre bout du monde, repartir sur un vélo pour faire 1000 kilomètres toute seule sans avoir vraiment planifié les hébergements, oser se lancer dans cette folle aventure de l’entreprenariat, qui est une découverte perpétuelle. Chaque journée est différente. Rien n’est pareil, rien n’est figé. 

C’est violent quand même, surtout on sait que la stabilité c’est plus confortable… à tous points de vue.

Il n’y a pas à dire l’entreprenariat en étant une femme handicapée, c’est pas de la tarte. Parce que sur les réseaux, je ne vois que des gens qui réussissent, qui n’ont pas forcément des difficultés, que tout va bien. Hélas, je pense que ce n’est pas totalement vrai, d’où ma sincérité sur ce post. 

Un peu de futur quand même

J’espère que j’en tirerai bientôt satisfaction mais pour l’instant, je ne peux pas me reposer sur mes lauriers, pas encore. 

Je vais continuer à rester motivée, me reposer sur mon réseau de partenaires professionnels qui est là en soutien, des clients présents et confiants. Je les en remercie aujourd’hui de m’avoir aidée à faire ce beau démarrage. 

Je reviens vite.

La musique est désormais tactile

Interface d'Apple Music avec la couverture de l'album de Gershwin, le titre est The Piano Rolls. Le morceau qui est joué est Rhapsody in Blue de Georges Gershwin. L'option Musique tactile est activée et que c'est connecté à mes appareils "Sophie Hearing Devices"

J’écoute de la musique. Quand c’était possible, je posais les mains sur les enceintes pour pouvoir la ressentir. Je l’écris au passé, car aujourd’hui c’est en train de changer.

Apple a innové avec la dernière version d’iOS 18 pour les personnes sourdes et malentendantes. La musique est désormais tactile. Le fait de ressentir la musique par les vibrations sur mon téléphone me permet de me raccrocher à quelque chose de bien concret. J’ai activé cette fonctionnalité en passant par le menu des réglages > accessibilité > Musique tactile.

Même si je suis implantée bilatérale depuis maintenant 8 ans, je découvre toujours de nouvelles sonorités, mon cerveau apprend encore. Quand on n’a jamais entendu de sa vie, le son est quelque chose de difficile à matérialiser. C’est possible mais il faut beaucoup de ténacité, de volonté pour entendre.

Avec les implants cochléaires, tous les sons sont au premier plan au début de l’apprentissage. Il faut apprivoiser notre cerveau, lui apprendre à faire la différence entre ce qui est au premier plan ou en arrière plan.

J’ai testé cette fonctionnalité dès qu’elle est sortie.

Mon premier morceau est un morceau que j’affectionne particulièrement, c’est “Rhapsody in Blue” de Georges Gershwin. J’ai écouté et surtout, j’ai ressenti toutes les variations instrumentales de ce morceau.

Entendre un violon démarrer doucement, pour ensuite être accompagné par un autre instrument sur un autre tempo, c’est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé pouvoir le ressentir. Il y a des sonorités que je perçois moins bien que d’autres, désormais ça va être plus facile pour faire apprendre à mon cerveau qu’à ce moment là, il y a un son qui arrive et que c’est cette intensité, ce rythme, ces pauses.

L’émotion était tellement forte, les larmes ont coulé toutes seules. Arriver à ressentir un son par la vibration avec une telle précision.

J’ai testé avec d’autres musiques comme “Billie Jean” de Mickael Jackson, qui est un morceau que de nombreuses personnes connaissent, ou encore “FlashDance”. Partager l’émotion musicale avec d’autres personnes est désormais possible.

De temps en temps, je peux me poser et regarder mon téléphone avec la musique pour lire les paroles et savoir quand elles sont prononcées mais aussi les comprendre à la façon d’un karaoké.

Interface d'Apple Music avec le morceau de Billie Jean de Mickael Jackson. Les paroles sont affichées à l'écran et s'éclairent au fur à mesure qu'elles sont prononcées. Les paroles suivantes sont moins visibles mais on les devine. L'option musique tactile est activée et l'interface est connectée à mes appareils "Sophie Hearing Devices"

Avec la musique tactile, quand le son démarre tout doucement, la vibration est très faible et monte en puissance avec le son. C’est pareil avec les paroles, si la note est tenue vocalement, on la sent dans la vibration.

L’émotion de la voix est aussi retransmise dans les vibrations.

Ressentir l’arrivée et le départ de chaque instrument dans les morceaux de musique, sachant que le tempo varie pour chacun, j’arrive à décomposer toute la musique avec un peu d’attention.

Un exemple bien concret pour la vibration de la guitare quand on la gratte avec un médiator (ou plectre en français) cet objet triangulaire, on l’entend frotter les cordes de la guitare.

J’ai, en souvenir, mon cousin qui jouait de la guitare avec un regard tellement attentif sur les cordes de la guitare, sur son morceau pour me faire ressentir ces vibrations qu’il m’est arrivé de mettre ma main sur sa guitare.

Aujourd’hui, la vibration est identique sur mon téléphone à ce que vous pouvez entendre. C’est une vibration qui est un peu “électrique” parce qu’on sent qu’elle continue de vibrer même si elle perd en intensité accompagnée des vibrations des autres cordes de la guitare.

L’accessibilité numérique est universelle, elle profite aux personnes handicapées mais aussi à tout le monde.

Mon fils a découvert également cette fonctionnalité, il l’a trouvée bien. Son retour c’était : “c’est bien. Si tu penses à des beatsmakers — est un compositeur de morceaux instrumentaux pour rap, hip-hop ou RnB contemporain (source : wikipedia)— , ca donne le tempo de la percussion ou de la basse, et que ca va leur permettre de calculer plus facilement”.

En bonus, une petite interview sur France Inter est passée sur ce sujet : « J’ai écouté et pleuré » : grâce à des vibrations, Apple permet aux personnes sourdes de profiter de la musique”

La musique tactile d’Apple fait très bien le travail.

Merci de bien vouloir patienter …

Téléphone avec un fil qui relie le combiné au terminal. Les chiffres s'obtiennent en les tournant sur l'interface du téléphone. Téléphone du 20e siècle. Il n'a rien de digital.

ou l’art d’apprendre à parler au téléphone.

Merci de bien vouloir patienter qu’une secrétaire prenne votre appel.
Votre appel est susceptible d’être enregistré.
Merci de bien vouloir patienter qu’une secrétaire prenne votre appel.
Votre appel est susceptible d’être enregistré.

Oui, allô ?
Allô, je ne vous entends pas.
Allô, madame, c’est pour …
Allô, je ne vous entends pas.  
[Communication terminée]

Il est 8h du matin, aucun service de transcription écrite de la parole assistée d’un humain est disponible à cette heure-ci, pourtant il y a de nombreux services qui ouvrent à cette heure-ci. Je parlerai d’un cabinet de professionnels de santé, équipé d’un secrétariat volant. Ceux-là, ce sont les pires (ou pas). Il faut traiter les appels le plus rapidement possible. Je le sais d’avance.

Je n’ai pas eu le temps de lire la transcription écrite que ca avait déjà raccroché. Comment expliquer l’inaccessibilité que je subis dès le matin, dès le réveil ou presque. La sensation désagréable de prendre une douche froide.

Je sais qu’avec mes implants j’ai fait énormément de progrès, que je reconnais plein de mots, mais dans ces moments-là, j’aime bien me sécuriser et commencer ma journée correctement.

Je constate que chez les personnes entendantes, le silence n’a pas sa place.

Jamais.

S’il y a un blanc au téléphone, on croit que c’est la communication qui est parasitée, si c’est dans une conversation, ça peut être signe de malaise ou je ne sais quoi et si c’est dans une réunion, la parole est vite prise.

Il suffit d’attendre 3 ou 5 secondes, ça peut paraître une éternité mais non. C’est le temps qu’il nous faut parfois pour lire et réagir quand on dépend de la transcription d’un contenu tiers.

Tip Accessibilité : S’il vous plaît, si vous avez en face de vous une personne qui a un handicap de « communication », comptez jusqu’à 3 ou 5 dans votre tête et ensuite vous pouvez recommencer votre phrase pour ensuite passer à autre chose.

Qui a dit que le silence est d’or ?

PS : non, ce n’est pas toi qui es visé.

S’il te plaît, apprivoise-moi …

Schéma représentatif des électrodes actives qui sont dans la cochlée

Il y a 7 ans, j’étais à l’aube de ma nouvelle vie sonore.

J’ai été implantée des deux oreilles le 17 novembre 2016, suite à une baisse du reste d’audition qui me restait. Il ne faut pas oublier que je suis sourde de naissance.

Après l’opréation, j’ai été plongée dans le silence pendant un peu plus de quinze jours.

Quinze jours, qui m’ont paru une éternité,

Quinze jours à gamberger, c’est long,

Quinze jours à trouver la définition du silence,
parce que ton cerveau en fait, il entend des sons fantômes,

Quinze jours à te poser la question de savoir comment va être cette nouvelle vie sonore ?

Est-ce que ça va marcher comme je l’imagine ? Est-ce que je vais entendre quelque chose ? Est-ce que ça va être des sons métalliques ? Est-ce que je vais entendre les petits oiseaux ?

J’avais plein de questions et d’incertitudes dans ma tête, j’ai tout écrit pour pouvoir m’en rappeler un jour comme celui-ci.

Je vous raconte ça sur ce billet 🙂

Le temps vole, plus vite qu’on le pense. 

Voilà une semaine que je suis rentrée de mon voyage du Japon. 

Et aujourd’hui, j’ai un an de plus. 

Désolée, je ne raconterai pas encore mon voyage par ici, je le digère encore 💙

Je ne réalise pas que j’ai encore fait un truc un peu fou finalement, ma tête est encore un peu en mode : «  je l’ai vraiment fait ». 

Hein ? Qui ? Quoi ? 

Je viens de passer un mois à l’étranger, seule. Je me suis prouvée à moi même que c’était possible de réaliser des choses un peu folles, sans maîtriser la langue, avec ma surdité et en solo. 

Même si j’avais des amis qui m’attendaient avec impatience à l’arrivée, qui sont venus me chercher â l’aéroport, qui m’ont hébergée quelques temps chez eux. J’ai passé la plupart de mon séjour seule et les week-ends avec eux. 

Je dois dire, que j’ai a-do-ré. 

À tous les niveaux, que ce soit visuel, olfactif ou auditif. Je ne réalise pas, je ne sais pas par où commencer tellement il y a à partager.

Aujourd’hui, j’ai un an de plus.

D’habitude, je ne le dis pas, mais cette année j’ai envie de continuer à bouleverser les lignes qui étaient tracées pour moi. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas pris plaisir à me souhaiter Joyeux anniversaire à moi même. 

C’est une année qui vient de s’écouler et pas des moindres ! Quand je repense à l’aube de mes 40 ans, je sortais d’une période de santé difficile, je me faisais implanter pour pouvoir entendre à nouveau avec quelques années intenses de rééducation. 

Les années de ma quarantaine ont été finalement plus riches que je me le pensais et ce n’est pas fini ! J’ai envie de dire que ce n’est que le début. Le meilleur reste à venir ! 

SEEPH 2023

Depuis quelques jours, je vois fleurir le hashtag #SEEPH2023 sur différents réseaux. Je sors de ma détox numérique pour vous glisser un petit mot à ce sujet.

Késako SEEPH ?

Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées.

Quand je lis ça, ça laisserait penser qu’on est ravis d’avoir la lumière sur ce sujet : l’emploi des personnes handicapées, une semaine par an.
Certes.

Savez-vous qu’une personne en situation de handicap mettra plus de temps qu’une personne valide à trouver du travail ?
Aïe.

Rien que cette information, elle devrait vous encourager à recruter,
surtout à compétences égales !

Il y a de nombreux webinaires qui sont proposés.
Bien !

Pour l’instant, je n’ai pas vu qui annoncaient être accessibles aux personnes sourdes et malentendantes à savoir présence d’une transcription instantanée de la parole et/ou présence d’interprète en langue des signes (LSF).

Qui a un webinaire accessible ?

Je n’ai pas envie cette année de poser la question si c’est accessible, j’estime que ce n’est pas à moi de faire le « travail » d’information mais à la structure qui réalise le webinaire.

Et enfin pour terminer, pourquoi ce sont pas les personnes handicapées qui interviennent elles-même dans les webinaires ? Ça serait intéressant de les rendre visibles, encore plus durant cette semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées.

À vos claviers pour indiquer quels sont les webinaires accessibles à tous et toutes !

Tu m’aimes un peu, beaucoup, à la folie … 

Sophie qui chante avec un brocoli dans la main

De nombreux podcasts ne sont pas accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Je demande régulièrement si tel ou tel podcast est accessible. 

La réponse est souvent invariable : « non ».
Quelle frustration de ne pas pouvoir accéder à ce contenu qui a un pouvoir de diffusion si important de nos jours, 
Quelle frustration de lire « non, ce n’est pas accessible », 
Quelle frustration de lire « non, je n’ai pas les moyens financiers de le faire » 
Quelle frustration de lire « non, je n’ai pas le temps » 
Quelle frustration de lire « non, c’est trop chronophage » 

Vous l’aurez compris, je n’aime pas ces réponses. Elles me renvoient mon handicap en pleine face. Mon handicap fait partie de moi, ce n’est certes pas ce qui me définit en premier, c’est certain et heureusement !

Si je vous disais que c’est une partie de plaisir pour moi de trouver des solutions pour contourner tous ces blocages, je vous mentirais. En fait, ce que j’aime c’est communiquer, partager et apprendre. 

Mon conjoint qui m’aime un peu, beaucoup, à la folie même. Il ne peut pas tout faire à votre place. 

Comme je vous aime un peu, beaucoup et à la folie… J’ai trouvé une application que je trouve bien et que je partage avec vous le retour utilisateur que j’en ai fait. 

Elle est gratuite. Elle existe pour mac (https://goodsnooze.gumroad.com/l/macwhisper) mais aussi en open-source (https://github.com/openai/whisper).

Elle est bluffante dans le sens où elle utilise OpenAI. Il faut télécharger le fichier audio, elle transcrit dans la minute, non, dans la seconde dès qu’elle commence à analyser le contenu audio !

Elle se débrouille bien je trouve à partir du moment où le contenu audio est de bonne qualité. Après, il faut toutefois quand même effectuer une passe, car les acronymes, les noms propres, c’est pas encore ça.

Je sollicite ma suppléance mentale quand je suis toute seule, je répète à voix haute les noms qui sont retranscrits phonétiquement et j’arrive à comprendre à peu près le contenu. Vous allez me dire : « bah c’est bon, pas besoin de faire le taf », oui mais, ça me gâche ce petit plaisir de le découvrir sereinement comme tout le monde.

Donc, si vous m’aimez un peu, beaucoup, à la folie, transcrivez vos podcasts. ❤️

Allez, joyeuse saint-valentin !

4 février, journée mondiale du cancer

Slide projetée à l'écran avec la photo de François à gauche et le logo de l'association à droite (AFG), David Rousseff, ancien président de l'association, ouvre la séance de l'assemblée générale avec en premier plan les membres qui applaudissent en levant les bras et secouant les mains pour dire bravo.

J’ai perdu plusieurs proches d’un cancer.

Il y a quelques années, j’avais dépanné l’association François Giraud sur leur site internet. C’était une façon pour moi de les soutenir même si j’aurais voulu en faire plus et je n’ai pas pu.

C’est une association qui a été créée en hommage à François Giraud, décédé d’un cancer en 2013. François avait médiatisé sa maladie, mais surtout mis en avant la difficulté de la prise en change en tant que patient sourd.

C’est une association qui a pour objectifs de :

  • promouvoir le droit à l’information médicale sur le cancer en langue des signes française (LSF),
  • améliorer l’accessibilité des informations médicales en LSF,
  • sensibiliser à la prise en charge spécifique des patients sourds en cancérologie
  • et enfin, organiser des actions de soutien et d’accompagnement du patient atteint d’un cancer et de ses proches.

J’ai donc été à l’assemblée générale aujourd’hui, j’ai même adhéré pour les soutenir.

Ce soir, je fais ce billet parce que je me rends compte que c’est encore un nouveau sujet qui n’est pas assez connu de tous et toutes. N’hésitez pas à adhérer à cette association pour la soutenir, pour qu’elle puisse encore continuer à faire son travail. Cette association effectue un énorme travail de terrain. Et vraiment, je leur dis bravo pour cette motivation, ténacité à ne pas lâcher les choses.

J’ai été ravie de revoir quelques visages que j’avais perdus de vue.

Encore un sujet à aborder : l’accessibilité des soins, l’accessibilité de l’information médicale par les personnes sourdes est un sujet important, ça commence à ne plus être un tabou mais le chemin reste long.