Perdre un chat quand on entend pas

chat noir sur un coussin rouge

Samedi soir, je reçois un message de ma voisine me disant qu’elle avait vu un de nos chats sur son balcon. Sachant que j’avais fait le nécessaire pour sécuriser cet espace extérieur, Suki avait réussi à contourner cette installation.   

L’objet de ce billet n’est pas la sécurité des balcons ou des fenêtres que ce soit clair. Nos fenêtres sont sécurisées.

Je la vois sur notre balcon, je la dispute et la fais rentrer. Elles ne vont sur notre balcon que sous notre surveillance, même s’il est sécurisé. Je commence à chercher sa sœur par mesure de sécurité car elles sont très fusionnelles.
C’est deux gouttes d’eau, toutes les deux noires avec une tache sur le poitrail. Les seules différences sont au poids et au toucher.

Avec mon mari et mon fils, on commence à vérifier tous les recoins de l’appartement. Tâche facile on dirait mais comme j’entends pas, ça change tout, oui, oui. 

Je ne peux pas forcément être certaine de l’entendre gratter quelque part si elle est enfermée, je ne peux pas l’entendre miauler si elle n’est pas à côté de moi. Si elle est derrière une porte, je ne l’entendrai pas. Je n’ai pas l’ouïe aussi développée qu’elles, ni le niveau de précision de leur organe vestibulaire, je n’entends pas comme mon mari et mon fils. J’ai un imaginaire lié au son beaucoup plus inventif et qui ne correspond pas toujours à la réalité.  

On se décide à se dire qu’elle s’est cachée quelque part dans l’appartement, on se couche, on reprendra les recherches demain.

Je suis toujours dans l’angoisse car je ne la retrouve pas.

Suki se couche à mes pieds, je me fie à son comportement, elle me colle toute la nuit, je trouve ce comportement suspect bien qu’elle dorme de temps en temps avec moi. Elle est trop calme, elle ne cherche pas sa sœur comme à l’accoutumée. J’ai réalisé qu’elle n’était pas dans l’appartement par déduction.

Mon mari et mon fils ont continué à retourner l’appartement, à vérifier pièce par pièce, tiroir par tiroir. C’était incompréhensible, elles qui sortent jamais, qui n’ont jamais mis une patte dans la rue, celle qui a disparu est la plus craintive, chaque invité qui est venu chez nous ne l’a jamais rencontrée. 

J’ai commencé à sortir dehors pour l’appeler dans la rue, à tourner autour de notre immeuble, de faire les caves à plusieurs reprises, vérifier les buissons. Mais comment faire quand on entend pas, si ma chatte est blessée et qu’elle miaule de douleur dans un buisson, comment je peux le savoir ? J’ai fouillé sans relâche tous les buissons, les recoins à plusieurs reprises, à plusieurs heures d’intervalle pendant plus de 24h, nuit et jour.

Comment faire pour ne pas hurler dans la rue, histoire de ne pas provoquer des tapages nocturnes à pas d’heures dans la nuit noire … ? Comment arriver à moduler sa voix dans ses moments-là ? J’essaie, j’imagine qu’elle m’entend avec son ouïe si aiguisée, mais je ne perçois pas de retours sonores ou visuels, c’est encore plus stressant. 

Être sourde dans ces moments où on recherche son chat, ça veut aussi dire solliciter tous ses autres sens pour combler celui qui ne marche pas ou pas toujours comme on voudrait pour la retrouver.

Quand on stresse, les sens sont perturbés et notre cerveau n’est pas toujours rationnel. Pendant ce laps de temps, j’ai simulé mes sens le plus possible pour retrouver mon chat. J’ai très peu dormi et mangé. 

24h plus tard, j’embarque mon mari pour refaire un tour de l’immeuble, pour qu’il me dise s’il entend quelque chose, car je sais qu’elle réagira au son de ma voix, du moins, j’essayais de m’en persuader. Premier tour, aucune réaction de sa part. On remonte, je décide d’embarquer sa sœur dans la caisse, en me disant qu’elle va m’aider à appeler Sumi. 

Je regarde Suki dans l’entrée et je lui montre sa caisse de transport en lui disant : «  Tu viens m’aider à chercher ta sœur ? » Elle ne s’est pas fait prier, elle est rentrée dedans et a attendu que je la referme. 

Nous sommes allés refaire un tour en l’appelant avec Suki. À un moment, il se fige sur place et entend un bruit. Un petit miaulement, mais très faible. Il me dit qu’il devient fou, qu’il croit l’entendre, dans le doute, on a continué à l’appeler mais plus de réponse. On est remontés.

Je bois un verre d’eau, je ne peux pas rester à rien faire la sachant quelque part, morte ou vivante, mais il me faut la retrouver.
Je réimprime des affichettes, mon fils m’aide en allant les coller à la gare à vélo et moi dans les rues voisines. Un peu plus tard, il me rejoint car il n’a plus de scotch. Je lui parle et lui dis qu’il faut continuer à l’appeler.
Sa réponse est : « Non mais ça sert à rien, quand on l’appelle elle vient pas. » Je lui dis qu’il faut continuer sans cesse. Jusqu’à ce qu’elle réponde par les miaulements ou sa présence.  

Ce qui est dur quand je suis dehors dans la rue, je n’entends pas aussi bien que quand je suis à l’intérieur, il n’y a pas de bruits parasites. Dehors, j’entends pas ma chatte, je ne peux pas distinguer si c’est un miaulement de râle, de douleur, de joie, de ce que mon cerveau décide d’interpréter les sons qu’il perçoit. 

On décide de rentrer mais je lui demande d’orienter sa lampe dans les buissons là où j’avais déjà vérifié des fois qu’on verrait deux yeux briller.
On marche, j’appelle, et bim ! Même réaction chez mon fils au même endroit que mon mari auparavant, qui me dit qu’il entend un miaulement très faible. Il oriente sa lumière vers les balcons car il trouve que c’est un bruit en hauteur. 

Comment faire quand on entend pas, quand on arrive pas à entendre, ni à situer le son dans l’espace ? Je peux distinguer certains bruits, les reconnaître, savoir si c’est devant ou derrière, mais savoir si c’est un son qui est en bas de mes pieds, ou au niveau de ma tête, ou encore plus haut (en dehors des avions) je n’ai pas d’expérience de spatialisation de son, pas autant que les personnes qui entendent. 


Il voit quelque chose bouger, il pense que c’est Sumi. Il appelle son père au téléphone, qui se met à la fenêtre de la cuisine pour vérifier.
Nos chattes sont noires et les retrouver dans la nuit, c’est pas si évident que ça en fait. Mon mari a entendu le petit miaulement qui disait : « mais ouvre-moi la fenêtre ». 

C’est comme ça qu’on a eu la confirmation qu’elle était sur le balcon du 3ème étage sachant que nous sommes au 4e. Sumi était au bord de la baie vitrée à attendre qu’on ouvre la fenêtre car le volet n’était pas complètement fermé…

Pas de chance, les voisins ne sont pas là. Nous sonnons à l’appartement qui avoisine le balcon où est Sumi. Mon mari y va, moi je reste en bas avec notre fils, puisqu’il est à vélo.

Le stress parfois, nous fait faire des choses qu’on imagine pas. Je lui dis de monter rejoindre son père, je suis restée en bas à les regarder et j’ai gardé son vélo bêtement alors qu’il l’avait cadenassé par précaution.

Notre fils a posé le bol de croquettes, que son père avait été chercher, comme il a pu à travers la vitre de séparation des balcons, sur l’étagère de la voisine. Sumi s’est approchée pour les manger, évidemment cela faisait 24h qu’elle n’avait ni mangé, ni bu, elle s’est laissée faire à moitié. Il a touché le cou de Sumi pour voir s’il pouvait la prendre tout en étant de l’autre côté de la vitre. 

Il a réussi à la prendre par la peau du cou et la récupérer, elle s’est accrochée par réflexe à la rambarde, mais il a été plus rapide et agile pour la ramener de l’autre côté. 

Entre-temps, je ne voyais rien dans la nuit et quand je vois rien, étrangement j’entends encore moins que d’habitude même si j’ai mes implants cochléaires. Je suis remontée récupérer un drap pour les aider, mais au moment de repartir, j’ai ouvert la porte, j’ai vu mon fils et Sumi collés serrés. Elle ne pouvait plus partir, il l’avait plaquée contre lui. Elle avait un regard apeuré, j’ai bien vu qu’elle avait pas compris ce qui s’est passé. 

Quand il l’a posée par terre, ses pattes arrières tremblaient. Je lui ai vite donné à manger pour la rassurer, elle ne s’est pas fait prier, elle a englouti sa pâtée.

Je réalise après coup, que chercher un chat quand on entend pas, est une source de stress encore plus importante. Car on s’imagine beaucoup de choses, on peut passer à côté de plein de choses même si on a un contact visuel ou tactile plus important.

Ce qui s’est passé, je pense, Sumi a dû vouloir suivre sa sœur pour une fois, la première fois, et a glissé de la rambarde du balcon. Elle a eu beaucoup de chance puisqu’elle a atterri au 3ème. 

Depuis, elles ont repris leurs petites habitudes, j’ai eu droit à tous les câlins et ronronnements possibles.

3 réflexions sur « Perdre un chat quand on entend pas »

  1. Très belle anecdote. Et ce qui m’a beaucoup parlé : « J’ai un imaginaire lié au son beaucoup plus inventif et qui ne correspond pas toujours à la réalité.  » Bien dit !

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